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On sait toute l'importance du mécanisme à chenapan dans la mise au point de la « platine à silex », en France au début du XVIIe siècle et l'extrême rareté des exemplaires qui ont pu en subsister. C'est donc dire tout l'intérêt qu'a revêtu pour le musée de l'Armée l'entrée de cette pièce dans ses collections.
Le canon est de section circulaire, des renforts, deux simples et quatre doubles, ciselés de motifs feuillagés, gravés et argentés, le divisent en autant de zones de métal uni. Au centre de la volée, vers le tonnerre, s'enlève ciselée en haut relief, une composition associant deux couples de serpents enserrant de leurs plis la représentation d'un petit « satire » ; la bouche s'élargit en trompette ciselée de feuillages se détachant sur un fond amati.
Sur la platine, le chien dessinant une esse émerge d'une large base allongée rencontrant la butée d'arrêt ; en arrière, à proximité de la sûreté, se discerne l'ouverture ménagée dans la plaque de platine par laquelle le levier de gâchette retenait ou libérait le chien qui venait frapper, à l'extrémité de sa hampe, la batterie placée au-dessus du bassinet qu'équipe un disque destiné à limiter et protéger le tireur des éclats de l'ignition. Le poinçon (les lettres « HB » inscrites dans un écu sous un heaume), est insculpé sous la butée et la date 1622 gravée sur le couvre-bassinet. Un décor sommaire court autour de la platine et un masque humain schématisé se distingue sur le pare-éclat du bassinet.
La monture en bois fruitier est entièrement ornée de plaques d'ivoire et de nacre figurant des masques, trophées, pots, fleurs épanouies enserrées dans des filigranes de cuivre doré traçant des volutes et des entrelacs géométriques. Le numéro d'inventaire est gravé, comme à l'accoutumée, en avant du pontet. L'important talon en ivoire faisant office de plaque de couche est vraisemblablement moderne.
Depuis sa première publication, dans le « Flintlaset » en 1939, la provenance géographique de cette pièce soulève des interrogations et divise les spécialistes. La mention de « fusil à langloise » utilisée sur l'Inventaire apparaît générique et peu significative, les rédacteurs ignorant pratiquement l'ensemble des productions étrangères, notamment parmi les plus largement représentées : les pièces italiennes et hollandaises. Il est également opportun de souligner que le terme de « choc » désigne alors les mécanismes à chenapan.
Ainsi, Lenk, le premier à avoir défini l'importance du chenapan néerlandais pour la mise au point du nouveau mécanisme français et sensible à l'historicité de la pièce inséparable pour lui du contexte des collections royales, n'écarte pas l'hypothèse d'une réalisation locale. Hayward en 1972, l'auteur de la notice du catalogue de la vente Renwick, décrit « un rare fusil à chenapan anglais » ; mais il soulignait antérieurement l'impossibilité de distinguer chenapan anglais et hollandais du début du XVIIe siècle, cette production qu'Arne Hoff a appelé « anglo-dutch » ; Eaves rattache le fusil à la production anglaise, ses arguments particulièrement intéressants s'appuient plus précisément sur l'approche des décors. Gusler et Lavin, les rédacteurs du catalogue de la collection Bedford [l'acquéreur à la vente Renwick, 1972], estiment la platine anglaise mais la monture et le canon français, « réalisés dans le but d'imiter les formes anglaises ».
De ces jugements contrastés, on peut retenir que l'absence d'identification du poinçon insculpé sur la platine entretient pour le moins l'incertitude sur l'origine du mécanisme. Certains rapprochements cependant apparaissent difficilement contestables : ainsi la platine à chenapan est-elle « identique » au mécanisme d'une arme célèbre appartenant aux collections du musée de l'Armée, la canardière aux armes de Jakob De la Gardie, comte de Läckö, gentilhomme suédois qui se serait signalé en Russie. Arne Hoff a estimé que la canardière lui aurait été offerte, en 1616 ou 1617, par un « diplomate hollandais » et qu'elle aurait figuré sur l'inventaire de l'armurerie de La Gardie, en 1628, sous l'appellation de « nouveau fusil hollandais ». L'armurier qui a signé la pièce « W.S. » pourrait, selon Hoff, être un maître d'Amsterdam nommé Willem Swartt.
La construction de la monture, en raison notamment de sa crosse en « queue de poisson », échappe à l'évidence aux artisans français ; la similitude de son décor avec les modèles anglais est manifeste, mais tout autant qu'avec ceux des Pays-Bas. Il est utile de souligner l'importance des échanges contemporains : des influences françaises sont perceptibles sur les décors d'armes de luxe réalisées à Amsterdam et destinées à la cour de Russie, aire traditionnelle avec la Suède de diffusion de la production armurière hollandaise au début du XVIIe siècle ; les modèles d'ornemanistes de Jacques Caillart que nous pourrions classer dans le « style à cosse de pois », ont été adaptés dans une édition hollandaise de 1628 et sont repris sur ces pièces par les crossiers néerlandais.
La question du canon est non moins complexe ; son décor apparaît d'une grande singularité pour l'époque. Gusler et Lavin ont voulu l'intégrer au « groupe de l'Europe de l'Ouest » caractérisé par d'abondants décors en haut relief, catalogué également comme « belge » ou « liégeois », attribution peu satisfaisante. L'écarter conduit cependant à se projeter dans une toute autre logique et suggérer la solution, tout aussi discutable, d'un remplacement postérieur du canon. Ce parti donnerait une cohérence chronologique au motif central figurant un petit « satire » qui retrouverait sa place dans le vocabulaire standard des diablotins et autres serpents, familier à Jean Bérain, quelques trente ans plus tard. L'oeuvre d'un arquebusier hollandais anonyme, associé à la production d'un des plus importants graveurs français du XVIIe siècle, n'en prendrait que davantage de poids.

Details

  • Title: Mousquet à chenapan Détail
  • Date Created: 1622
  • Location Created: France
  • Physical Dimensions: 0,26 (h) x 1,295 (l) m
  • Provenance: acquisition date: 1995 (purchase); previous collection: Clay P. Bedford
  • Subject Keywords: Firearm
  • Type: Mousquet
  • Rights: Photo (C) Paris - Musée de l'Armée, Dist. RMN-Grand Palais / Jean-Yves et Nicolas Dubois
  • Medium: Fer, Bois, Laiton, Nacre, Argent, Ciselé
  • Inventory: 995

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