Arquebuse à rouet, François Poumerol, 1613 Détail

« J'ay fait en caressant les Muses/
Maints Pistolets et Harquebuses/
Pour les gens d'Astrée et de Mars »
(Sur une Escarcelle, 1635).
En raison de son grand talent et de sa vocation littéraire, l'arquebusier François Poumerol (v. 1580 - v. 1640) tient une position importante et originale dans la production de la première partie du XVIIe siècle. Au soir de son existence, en deux éditions successives, 1631 et 1635, Poumerol a publié ses écrits, sous la forme de quatrains, huitains, sonnets, qui expriment des préoccupations diverses, philosophiques, bucoliques mais principalement liées à « son art méchanique ». Les « Quatrains au Roy sur la façon des harquebuses et pistolets » (1631) révèlent les observations d'un véritable théoricien qui réclame, en vain semble-t-il, le soutien royal.
Les huitains adressés à ses confrères, sous le titre « Aux Harquebusiers » (1635), expriment les réflexions d'un grand praticien :
« En vous suppliant humblement/
De croire, que jamais la plume/
Ne m'a fait quitter mon Enclume ».
Nous sommes redevables, à cette passion littéraire, d'informations rares et précieuses, qu'il convient de mentionner.
Ainsi apprend-on que les « Quatrains au Roy », texte qui permet de considérer Poumerol comme le véritable théoricien des « fuzils nouveaux », ont été accompagnés de l'envoi de deux armes, un « fuzil » et un « pistolet ».
Replacées dans un contexte muséal, les pièces de Poumerol apparaissent en très grand nombre. Au musée de l'Armée, sont conservées deux armes d'épaule, les « harquebuses » inv. 1000 I (N° 40 des collections de la Couronne) et M 144 (N° 50), le pistolet à rouet inv. 05010 I (N° 221) et les vestiges d'un « fuzil » inv. 24214. Sur l'Inventaire, aux numéros 222 et 223, sont décrits deux autres pistolets à rouet.
Les armes sont à mécanisme à rouet, ce qui ne laisse pas de surprendre chez un théoricien du nouveau système de mise à feu par le silex. Poumerol se montre l'adepte des formes simples, élégantes et souples, il apprécie la brillance du métal et, en contradiction avec ses écrits, utilise à l'occasion les métaux précieux et au-delà de toute théorie, apparaît-il comme un des maîtres les plus doués de son temps.
Cette arme luxueuse et d'un extrême raffinement résulte d'une commande du jeune souverain dont elle porte l'emblématique gravée sur la plaque de couche ; elle est datée de 1613, Louis XIII est couronné depuis trois ans et François Poumerol, l'auteur de la pièce, peut être âgé d'environ trente ans et loin des traverses de l'existence sur lesquelles il s'attarde dans ses Quatrains, son art se hausse jusqu'à la perfection. Ainsi à l'évidence traverse-t-il alors cette période au cours de laquelle, selon ses dires : « (sa) besongne estoit des grands prisée... ».
Le canon à âme lisse, d'un fort calibre (0,016 m.), de section circulaire, s'accompagne, sur toute sa longueur, d'une ligne de visée saillante. Le guidon, d'une construction très élaborée, est constitué de volutes jumelées (l'une brisée) en fer doré. Le décor se répartit en deux zones : il présente successivement, au tonnerre, dans une disposition étagée, la date, le monogramme et, l'inscription « Fait au Montel », placée dans un phylactère que cerne une suite de rinceaux végétaux et de motifs géométriques ; des décors similaires sont répétés à la bouche, gravés et rehaussés de damasquine dans le dessein d'obtenir les effets d'une triple coloration, or blanc, jaune, rouge. D'autres motifs analogues, en moins élaborés, sont repris à la bouche du canon.
Au centre du mécanisme, le rouet est maintenu par une élégante bride latérale en fer ajouré, anciennement doré, opposée à un bouton ciselé d'un visage humain aux traits schématisés. Le couvre bassinet est actionné manuellement ; le chien est monté avec une hampe en balustre, ses mâchoires plates et élargies, n'étant pas sans évoquer la construction des rouets brescians contemporains. Le monogramme « FP », deux lettres initiales séparées par une double accolade, est gravé à proximité du bassinet. Au revers, la contre-platine s'allonge en deux branches issues d'un disque d'une facture plus récente. Le pontet de sous garde, ajouré de motifs floraux, se prolonge vers l'arrière, d'un long appendice.
La monture en bois de poirier rouge est délicatement moulurée. Des placages d'ébène en forme de losanges incrustés de filigranes argentés et dorés, se détachent de part et d'autre de la crosse ; un talon en bois d'ébène, travaillé dans la même technique, soutient la plaque de couche. Au voisinage du pontet est gravée sommairement, et vraisemblablement à une date postérieure à la réalisation de la pièce, la double représentation du fermesse « S » barré, symbole à l'époque de fidélité dans les sentiments et de fermeté de caractère.
L'esthétique et l'extrême richesse de cette pièce apparaissent en contradiction avec les principes, qu'en sa vieillesse, développe l'auteur des Quatrains qui stigmatise l'usage de la dorure, « Et le fer bien trempé ne doit estre doré », l'ornementation des montures, « L'enrichisseur au fust ne sert rien qu'à paroistre ».
Mais, en 1613, l'arquebusier est encore bien éloigné de faire retraite dans sa petite localité du « Montel » dont ses écrits nous livrent le nom et par là même nous apportent la clé et l'interprétation à l'inscription « Fait au Montel » gravée sur le canon de cette arme.