Arquebuse à rouet, Nancy, vers 1615-1620 Détail

En signant l'arquebuse de l'Inventaire royal, Jean Habert de Nancy a conçu une des réalisations esthétiques les plus parfaites de la production européenne du début du XVIIe siècle. Son nom apparaît également dans le descriptif d'un pistolet à rouet, daté de 1611, et il serait l'auteur d'une platine à rouet isolée conservée au Victoria and Albert Museum. L'activité de Jean Habert est mentionnée au début du XVIIe siècle à Sedan où il aurait émigré pour cause de religion.
Le canon à âme lisse partiellement taillé à pans, accueille, en plusieurs plages, d'importantes compositions constituées de motifs ciselés, damasquinés, argentés et dorés, figurant de véritables théâtres de végétation animés de volatiles. La signature de l'arquebusier est gravée, au niveau du tonnerre, à gauche du tube. La platine est courte, ramassée autour de son rouet ; sa bride ciselée représente un dauphin dressé. Les garnitures adoptent le même traitement décoratif que celui du canon. La monture en bois fruitier développe une luxueuse ornementation de filigranes argentés et dorés ponctués de placages d'ébène, dessinant au talon de la crosse et sur le fût des arabesques florales aux tracés complexes. Le numéro de l'Inventaire porté comme à l'accoutumée, au-dessous du mécanisme, est répété au centre de la crosse.
L'ampleur du programme décoratif déployé sur cette oeuvre, ne trouve que de rares équivalences dans la production contemporaine destinée au souverain. On peut évoquer l'arquebuse du musée de l'Armée mais, plus précisément, l'arquebuse datée 1621 signée de Jean Hennequin de Metz dont les projets graphiques ont très visiblement inspiré, sur cette platine, le terme gravé à la hampe du chien. Le décor du canon et des garnitures offre également des analogies très marquées avec l'ornementation d'un pistolet à rouet provenant de l'ancienne collection du margrave de Bade ; son opulence trouve un écho dans le traitement et le faste de deux pistolets à rouet français appartenant à la Real Armeria de Madrid, correspondant très vraisemblablement à des présents diplomatiques. La typologie de la crosse, dépourvue de crête infléchie vers l'arrière, semble tout autant marquée par l'influence germanique que les autres arquebuses du musée de l'Armée. Le décor végétal, obtenu par les effets des filigranes argentés ou dorés, répandu sur l'ensemble de la monture paraît plus proche des exemples rhénans et néerlandais que des modèles inspirés par la production de Hennequin.