DE PARLER TROP,
reux d'une jolie fille avec
qui je fis galanterie ; & pour
qui j'eus tant danour, que je
laiſſay partir le Vaiſſeau dans
lequel je m'étois embarqué,
avec intention de partir. Mais,
luy dis-je, en Pinterrompant à
mon tour , quand vous m'a-
vez interrompu, je penfois que
c'étoit pour me repreſenter
quelque tempelte qui reſſem-
blaſt à celle que vous voulez
que je vous décrive : & cepen-
dani, aprés vous eftre embar-
qué, je vous revoy à terre en-
gagé à faire l'amour. Don.
nez-vous patience, me dit-il,
nous n'y ſommes pas encore.
En effet j'en eus grand
beſoin. Car par cette prodi-
gicule envie qu'il avoit de
parler
OU TROP PEU, &c.
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parler toûjours, & de ne laiſ
fer parler perſonne : il me
conta tout ce qui luy étoit
arrivé de plus particulier dans
fa nouvelle amour ; il me fic
voir des Lettres de fa Maî-
treſſe; il me recita des chan-
ſons ; il ſe rembarqua encore
une fois ; & fit un voyage
ſans tempeſte, avant que de
venir à me dire celuy ou en
effet il avoit penſé perir. Ainſi
cet Homme qui avoit cü
deſſein de ſçavoir comment
j'avois penſé faire naufrage,
n'en ſceue rien ; & m'apprit
cent choſes dont je n'avois
que faire. Cependant il par-
loit juſte : & ſupoſé, qu'il euſt
efté à propos de me faire ſça:
voir tout ce qu'il m'apprit,
Tome I.
V
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