LA CENTIÈME DU “CID"
L
ORSQUE le tambour d'Avignon
résonnera dans la cour de l'Hôtel
de Soubise, à cent cinquante
mètres du lieu où Le Cid fut créé, le
chef-d'oeuvre de Corneille aura atteint
sa centième représentation par la troupe
de Jean Vilar*. Une reprise du Cid pous-
sant jusqu'à la centième - et combien
de fois au delà? ce n'est déjà pas
si banal. Mais si l'on songe aux lieux
scéniques et au public concernés par
ces représentations, on a peut être le
droit de conclure que cette centième-là
mérite mieux que le traditionnel bou-
quet de félicitations.
Photo Varda
Celui qui écrit ces lignes rencontra
pour la première fois Le Cid, selon la
conception de Jean Vilar, dans la Cour
d'Honneur du Palais des Papes, en Avi-
gnon. Il ose même écrire que ce fut la
première fois qu'il rencontra Le Cid
tout court. Cela se passait l'an dernier,
au cours du Ve Festival, le soir où
Gérard Philipe, blessé, joua Rodrigue
sans pouvoir ni s'agenouiller, ni
courir. Il paraît que certains augures
avaient prédit à Jean Vilar que Le Cid,
déjà monté par lui les 2 années précé-
dentes, risquait de ne pas remplir la
salle - pardon, la Cour. Cependant, il
fallut refuser du monde. Trois mois plus tard, à Suresnes, un spectateur « bien
informé >> me glissa à l'oreille que ce Cid-là ne tiendrait pas dix soirs. Aujour-
d'hui, Le Cid de Vilar a rassemblé (le compte en a été scrupuleusement tenu) un
peu plus de cent cinquante mille spectateurs, la population d'une grande ville de
France – la population de Nantes.
" Le Cid
Le Cid du
T.N.P. a été joué en plein air (Avignon, La Lorelei) en théâtre clos
(
Paris, Lyon, Caen, Bruxelles, etc.), dans une ancienne halle aux poissons (Clichy)
* Y compris les représentations d'Avignon, de La Lorelei et du T.N.P.