Badelaire-pistolet, France, vers 1555 Vue générale

Arme à combinaison dont l'effet de surprise repose sur l'adjonction d'un mécanisme de mise à feu, bouleversant la classification typologique classique des armes de contact rapproché.
Dans l'Italie de la fin du Quattrocento, le prince se rêve en héros à l'antique sous des traits d'imperator dont il adopte la posture et ce que l'historiographie du temps lui assigne comme panoplie : la cuirasse historiée alla romana complétée d'une bourguignotte et le cortellagio, arme blanche d'apparat.
Du coutelas, selon la terminologie de l'époque, ce badelaire adopte, car il est de conception française, la forme de la lame héritée du scramasax des Francs, présentant un seul tranchant opposé à un dos s'étoffant aux dimensions d'un canon d'arme à feu dont la bouche est prolongée par un contre-tranchant fortement biseauté. Le mécanisme de mise à feu du pistolet à rouet se loge au creux de la monture, dans l'épaisseur du noeud de croisière, dissimulé sous un décor de mauresques finement damasquinées d'or.
Le pommeau figure, magistralement ciselée, une tête de lion cornu dont la crinière, traitée comme une chevelure féminine domestiquée par un diadème et des rubans, abrite une silhouette de nymphe statufiée en gaine dans un encadrement de doubles volutes et d'enroulements de draperies. Le bouton de rivure sommant le pommeau est élargi aux dimensions d'un petit estoc en carrelet percé de part en part à quatre reprises pour faciliter le démontage de l'ensemble de la garde. S'appuyant sur une frise d'oves perlées assurant la transition avec le sommet de la fusée, deux arcs turquois, dont la présence sur cette pièce participe de l'appartenance à la symbolique attachée à Henri II, sous-tendent l'allusion des relations du roi avec la duchesse de Valentinois.
Le visage empanaché de plumes du chef indien Donnacona apparaît au centre de l'arc de jointure qui s'achève sur le motif du bucrane dans la gueule léonine du pommeau dont on retrouve l'écho, traité sur le mode du chaton de bague, à l'extrémité de chaque quillon.
Son extrême somptuosité, qui n'a d'égale que la puissance créatrice combinant richesse décorative et génie mécanique, situe cette pièce au sommet de la hiérarchie des accessoires participant à la mise en majesté de la figure du souverain de la Renaissance, dans un jeu de déférence et de référence à l'antique, où l'objet rêvé se matérialise en objet de rêve.