Cette œuvre est sans aucun doute l’une des plus belles compositions de Jacques Jordaens. Dans ce tableau, réalisé vers 1623 alors que Jordaens est franc-maître depuis près de huit ans, l’artiste se trouve au sommet de son art. On ne décèle plus rien des maladresses de sa jeunesse. Si l’œil s’émerveille de l’anatomie ou de l’expression des personnages, de leur ordonnance rythmique ou de leurs gestes, il peut aussi se délecter de la touche onctueuse et précise ou de l’alternance entre la lumière dorée et la transparence des ombres, ou encore se laisser charmer par la richesse du coloris et par les fruits opulents : le tableau tout entier dégage la même harmonie prodigieuse. Les personnages, grandeur nature, laissent à peine entrevoir le paysage. Ils se déploient comme une frise sculptée, de part et d’autre d’un nu féminin vu de dos, légèrement décentré, ce qui introduit une certaine dynamique dans la composition. Cette nudité capte toute la lumière et attire vers elle l’attention du spectateur. Sa monumentalité sculpturale pourrait faire croire qu’elle est née de la pierre, mais un reflet doré caresse sa peau qui n’évoque en rien la froideur de ce matériau. Bien au contraire, cette nymphe appartient, comme sa compagne et les satyres autour d’elle, à une catégorie d’êtres se situant entre les dieux, les hommes et les animaux. Dans l’antiquité, ils incarnaient la puissance indomptable de la nature, dont la généreuse fécondité s’exprime sans doute également par les raisins que tiennent tous les personnages du tableau. La corne d’abondance, à l’extrême gauche, évoque les Métamorphoses d’Ovide qui raconte comment est née "cornucopia", quand Achéloos, transformé en taureau, se cassa une corne au cours de sa lutte avec Hercule. Les nymphes des sources ou naïades la remplirent ensuite de fruits.
Texte: Joost Vander Auwera (d'après), Musée d’Art ancien. Oeuvres choisies, Bruxelles, 2001, p. 142 © Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles
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