Chanteurs des églises St-Etienne de Stari Grad et St-Esprit de Vrbanj
Du XIIIe siècle av. J.-C. jusqu'à nos jours, la Dalmatie fut successivement peuplée par les Thraces, les Illyriens, des Celtes qui, une fois mélangés, donnèrent naissance à la tribu des Delmates, puis par les Croates (Slaves originaires du Don). Elle connut la domination grecque, romaine, byzantine, hongroise, turque, vénitienne et enfin autrichienne. Le christianisme s'implanta à la fin du IIIe siècle. Quelques siècles plus tard, alors qu'elle était dominée politiquement par Byzance, la Dalmatie se rattacha à l'Église de Rome et ses églises s'unifièrent sous l'autorité de l'archevêché de Split. Nombre de prêtres de l'arrière-pays résistèrent cependant à la romanisation de la liturgie, lui préférant la langue croate et l'alphabet glagolithique, ce qui leur valut l'appellation de prêtres glagoljasi.
Ces quelques rapides données permettent de mieux comprendre la diversité des traditions populaires profanes et sacrées dans la Dalmatie d'aujourd'hui. On peut les répartir selon trois zones géographiques : 1. les îles : Hvar, Korcula, Brac et Vis pour ne citer que les principales ; 2. le littoral (Split et ses environs) ; 3. l'arrière-pays qui s'articule sur la chaîne des Alpes dinarides. Une des traditions musicales de cette dernière région a été présentée en 1998 dans le cadre du deuxième Festival de l'Imaginaire.
Histoire, modes de vie, pratiques musicales différentes� L'arrière-pays, protégé, isolé dans ses montagnes a conservé jusqu'à aujourd'hui des traditions musicales rudes et archaïques : échelles réduites, polyphonies dissonantes. Ouvert sur la mer comme sur l'intérieur, le littoral fut beaucoup plus sensible à la modernisation que d'autres régions ; pour l'essentiel, la musique populaire y a été remplacée depuis les années cinquante par les klapa, petits choeurs d'hommes très en vogue dans la plupart des bourgs et des villes.
Les îles, quant à elles, subirent les influences successives des colonies grecques, de
Byzance et de Venise mais affirmèrent leur identité musicale en fixant leurs répertoires et leurs styles musicaux à une époque assez ancienne. C'est ainsi que l'île de Hvar, conserve depuis cinq siècles des traditions vocales religieuses tout à fait remarquables.
La Semaine Sainte dans l'île de Hvar
Dans la petite ville côtière de Stari Grad (bâtie sur l'ancien site de Faros), les chanteurs de l'église Saint-Etienne, tous laïcs et pour la plupart anciens enfants de choeur, se transmettent de père en fils un répertoire polyphonique à cinq voix (ténors I, ténors II, barytons, basses I et basses II) qui s'inscrit parfaitement dans le style vocal des traditions religieuses de la Méditerranée. Ceux de l'église Saint-Esprit du village de Vrbanj, situé dans les terres à quatre kilomètres seulement de Stari Grad, perpétuent quant à eux un chant homophonique qui présente de nombreuses similitudes avec la musique vocale des anciennes églises orientales.
Tous ces chants, interprétés en croate, ont été recueillis dès le XVIe siècle par le poète Petar Hektovorovic dont le palais se dresse encore aujourd'hui au centre de Stari Grad.
Extrêmement riche, ce corpus religieux dénote une spiritualité centrée sur le Carême et la Semaine Sainte qui résulte sans doute de l'ancienne influence byzantine. Tous les ans depuis 1510, année de la grande révolte populaire contre la noblesse de l'île, la population se retrouve dans la nuit du Jeudi au Vendredi Saint pour une grande procession de repentance appelée Za Krizem ("Suivre la croix").
Tous ceux qui participent à cette procession se déchaussent, ne portant qu'une paire de chaussettes blanches tricotées par leur mère ou leur soeur ; ils la conserveront pieusement jusque dans la tombe. Celui qui porte la Croix marche pieds nus et n'est pas autorisé à la poser avant la fin de la procession. Porter la Croix pendant cette procession représente un tel honneur qu'à la naissance de chaque garçon, ses parents l'inscrivent immédiatement sur le registre d'ordre prévu à cet effet.
Pendant toute la durée de la procession, les participants chantent les émouvantes lamentations de la Vierge (Gospin plac) et de son Fils (Puce moj, "Ô mon peuple"), des extraits de la Passion et des prophètes, les Lamentations de Jérémie et terminent par un Te Deum. Chaque village a conservé des versions spécifiques de ces chants.
Le chant est essentiellement modal avec d'amples mélismes, des dédoublements de voix à la tierce, des mouvements contraires, des cadences à l'unisson, autant d'éléments qui témoignent d'une synthèse remarquable des traditions grégorienne et byzantine.
Le chant homophonique de Vrbanj, se développe dans un registre vocal étroit avec de nombreux intervalles de seconde mineure ou neutre. Le caractère particulièrement poignant des lamentations de la Vierge, réside dans une marche modale : montée progressive de la mélodie d'une strophe à l'autre, entrecoupée de longs silences pendant lesquels les chanteurs reprennent leur marche.
PIERRE BOIS
CHANTEURS DE L'EGLISE ST-ETIENNE DE STARI GRAD : Stjepan Franetovic et Toni Tadic (ténors I), Ivica Petric, Petar Bogdanic, Zvonimir Franetovic et Tedi Sanseovic (ténors II), Josip Dujmovic et Ivan Vranjican (barytons), Mate Franetovic et Frano Skarpa (basses I), Ante Stancic et Luka Bogdanic (basses II).
CHANTEURS DE L'EGLISE ST-ESPRIT DE VRBANJ : Miljan Matkovic, Andro Matkovic, Jakov Stipetic.
Le Festival de l'Imaginaire remercie Madame Nansi Ivanisevic, Monsieur Dino Milinovic et l'Ambassade de Croatie en France.
Programme
1. Slava cast i hvala ti (Gloire, honneur et louange)
2. Smiluj se meni Boze (Mon Dieu, aie pitié de moi)
3. Prosti moj Boze (Mon Dieu, pardonne-moi)
4. Plac Jeremije proroka (Lamentation du prophète Jérémie, chant solo par Toni Tadic)
5. Gospodine smiluj se (Ô Seigneur, aie pitié)
6. Zazivi : Boze daj mir jedinstvo (Invocation : Ô Dieu, donne-moi l'unité)
7. Usta moja (Pange Lingua)
8. Krizu virni (La vraie Croix)
9. Evo drvo kriza (Voici le bois de la Croix)
10. Gospin plac (Stabat Mater dolorosa par les chanteurs de l'Église St-Esprit de Vrbanj)
11. O propeti - puce moj (Le Crucifié : Ô mon peuple)
12. Aleluja (Alleluia)
13. Tebe Boga hvalimo (Te Deum)
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