avec cinq moines dirigés par le Vénérable Thuong Toa Thich Tu Phuong et les musiciens
Tran Thao (vièle)
Nguyen Dinh Van (flûte, hautbois)
Tran Hieu Suong (tambour).
Maison des Cultures du Monde avec le concours de l'Association France-Vietnam pour la musique
Le Chan-te co hon, cérémonie pour le salut des âmes errantes
Khai Kinh, ouverture des textes sacrés
De Vi, cérémonie pour un défunt
Conférence-démonstration par le Prof. Tran Van Khe
Dan Bat Do, cérémonie pour chasser les mauvais esprits
Musique bouddhique du Vietnam - tradition de Huê
Le bouddhisme, ancienne religion de l'Inde dont les origines remonteraient au Ve siècle avant notre ère, est introduit en Chine et dans les pays limitrophes comme le Vietnam, alors appelé Giau Châu, aux environs du IIe siècle. Grâce à la traduction des textes canoniques sanskrits en chinois, il y gagne une grande popularité et s'implante de façon définitive à partir du Ve siècle.
Des diverses interprétations de la doctrine bouddhique sortent deux écoles principales, celle du Petit Véhicule ou Hînayâna selon laquelle la voie de la délivrance est personnelle, se fait par soi et pour soi, et celle du Grand Véhicule ou Mahâyâna qui affirme que tous les êtres peuvent parvenir à l'Éveil par les mérites accumulés et par dévotion au Bouddha et aux Bodhisattva. Ces derniers, futurs Bouddhas, sont des sauveurs dont la bonté, la charité, la sagesse et la puissance sont infinies ; ils ont fait voeu d'atteindre l'Éveil pour mener les êtres au salut. Le plus populaire de tous est le Bodhisattva de la compassion : Avalokitesvara (Guanyin en chinois, Quan âm en vietnamien), dont le culte est répandu dans tout l'Extrême-Orient bouddhique.
Cette série de concerts présente la musique bouddhique, c'est-à-dire la partie des "prières chantées" dans les cérémonies religieuses qui ont lieu lors des grandes occasions (anniversaire du Bouddha, ordination des moines, funérailles, commémoration du décès de notables...).
De façon générale, la prière bouddhique consiste en la psalmodie de textes extraits des sutra (ou canons) bouddhiques. Ces prières sont exécutées par les bonzes et les adeptes dans les temples, pendant les séances de prières quotidiennes, dans l'intonation propre à la langue du pays ou de la région.
Selon des sources chinoises, la "musique bouddhique" serait née au XVe siècle en Chine, sous la dynastie des Ming. Un grand eunuque du palais impérial aurait demandé que l'on introduise la musique de cour dans les cérémonies bouddhiques en insérant des chants religieux accompagnés par un petit ensemble instrumental. Cette pratique se perpétue encore de nos jours, notamment dans les temples de l'école Tiantai en Chine et de la secte Tendai au Japon.
Quant à savoir si elle a été adoptée au Vietnam ou non, l'histoire n'en fait pas mention. Sans être une religion d'État, le bouddhisme du Grand Véhicule s'implante solidement au Vietnam dès le Xe siècle. Comme le Vietnam a subi l'influence chinoise pendant des millénaires, il est probable que cette pratique musicale y ait été elle aussi adoptée.
Aujourd'hui, on peut distinguer trois grandes traditions de musique bouddhique au Vietnam, celles du Nord, du Centre et du Sud. En ce qui concerne la musique bouddhique du Centre Vietnam, certains vieux bonzes et musiciens de l'ancien ensemble de musique de cour de Huê affirment que la musique bouddhique est apparue dans l'ancienne capitale impériale au XIXe siècle. On peut en effet déceler dans l'ensemble des airs joués lors des cérémonies une étroite parenté avec la musique rituelle de la cour des Nguyen (1802-1945).
On distingue dans les cérémonies du Centre Vietnam trois styles de prière : la psalmodie tung, le cantique de louanges tan, l'invitation ou la sollicitation thinh.
L'ensemble instrumental joue un rôle important tout au long de la cérémonie. Aujourd'hui, dans certaines pagodes de la région de Huê, on enseigne ces styles de prière aux jeunes moines mais comme il n'existe pas de tradition propre à chaque temple, les moines de diverses pagodes peuvent être invités à célébrer ensemble des cérémonies importantes dans une pagode ou chez des particuliers. Cette musique sort pour la première fois des temples pour aller vers le grand public. Car, comme le dit le Vénérable Thuong toa Thich Tu Phuong lors d'un entretien à Radio France Internationale : "Jouer la musique bouddhique dans le monde extérieur est une autre façon de propager la doctrine du bouddhisme."
Ton-That Tiêt, Président de l'Association France-Vietnam pour la Musique
Quelques caractéristiques de la musique bouddhique du Vietnam
La musique bouddhique du Vietnam est une musique rituelle. Elle n'est pas destinée à être écoutée pour le plaisir artistique. Chaque son de cloche, chaque coup de tambour de bois, est fixé en fonction d'un texte sacré qui est lui-même lié à un rite. C'est une musique vocale. Elle est exécutée en général a cappella par des hommes dans les temples. Dans les grandes cérémonies, les femmes peuvent participer à la récitation des prières. Mais dans la tradition, seuls les moines chantent les tan, les chants de louanges. En général, elle est exécutée à l'unisson. Mais les exemples de polyphonie (au sens étymologique du terme) sont fréquents. Les bonzes doivent apprendre à réciter ou chanter les textes sacrés de différentes façons : niem (penser, se rappeler ou encore réciter à voix basse), doc (lire), tung (réciter à haute voix), bach (s'adresser à un supérieur), xuong (chanter), thinh (inviter), tan (louer).
Niem, doc, tung correspondent à ce que Solange Corbin désigne par le terme cantillation, une manière de chanter sans chanter, une solennisation de la parole à mi-chemin entre la déclamation et le chant. Bach et xuong sont des récitatifs. Thinh et tan sont des chants souvent très mélismatiques, syncopés, accompagnés par des instruments religieux et, lors des grandes cérémonies, par un ensemble instrumental profane.
Instruments religieux
Le grand tambour dai co résonne à l'occasion des grandes cérémonies, pour annoncer le début des offices en même temps que la grande cloche dai hong chung.
La cloche moyenne chuong bao chung donne le signal du réveil, du couvre-feu, de l'heure de la méditation et du début des offices.
La cloche de culte chuong gia tri, est une calotte hémisphérique ayant la forme d'un bol, elle est posée sur un coussinet et sonnée à l'aide d'une batte rembourrée. Elle marque le début d'un texte sacré, la fin d'une strophe, la fin d'un sutra, ou précède l'énonciation du nom d'un grand Bouddha.
Le mo gia tri est un tambour de bois de cérémonie en forme de poisson ou de grelot posé sur un coussinet.
Le petit gong plat, appelé tang dans le Centre Viet Nam et dau dans le Sud, est utilisé pour accompagner le tan.
La petite cloche à battant linh sonne pendant les séances de prières.
La planchette de bois moc bang donne le signal du repas de midi et celui du début de l'office de nuit.
Instruments profanes
Dans la tradition du Centre Viet Nam, avant les séances de prières, on emploie l'ensemble de musique de cour dai nhac (Grande Musique) composé de kèn, hautbois à pavillon en bois, d'une vièle à deux cordes dan nhi, d'un tambour trong vo et d'un petit tambour à deux peaux trong cai. L'ensemble de cour tieu nhac (Petite Musique) utilisé dans les temples est composé ici d'une vièle à deux cordes dan nhi, d'une flûte traversière ong dich, d'un tambour et des cliquettes à sapèques sinh tien. Le tieu nhac intervient après le dai nhac dans la partie qui précède les séances de prières, et il accompagne les tan, les thinh et les xuong.
Professeur Tran Van Khê