Johannes Vermeer semble dépeindre une scène de la vie de la haute bourgeoisie durant le "siècle d'or" néerlandais. Une jeune femme nous gratifie d'un grand sourire avec son verre de vin à la main. On peut penser qu'elle ne remarque pas le regard agaçant et pénible de l'homme qui se tient debout à ses côtés et qui porte encore son manteau. D'un air encourageant, il guide sa main comme s'il attendait avec impatience que l'alcool fasse son effet. Le rôle du second homme, assis à une table à gauche au fond de la pièce et affichant un air indifférent, semble étrange dans cette scène. Attend-il la fin de la conversation, brièvement interrompue, ou veut-il éviter de compromettre les deux autres protagonistes par son absence ? En revanche, l'homme figurant sur le portrait ancien accroché au mur est un observateur silencieux de la scène.
Même pour les acheteurs contemporains de tableaux de genre néerlandais, le charme de ces derniers résidait dans leurs allusions ambiguës, qui résultaient de combinaisons sans cesse renouvelées de symboles picturaux traditionnels. D'après certains, cette scène représenterait simplement une jeune femme à qui l'on apprend à adopter un comportement distingué. Elle semble très fière de son élégance et de la manière dont elle tient le verre de vin. Sa robe de soie rouge délicate était en fait réservée aux occasions spéciales : dans la vie de tous les jours, les femmes néerlandaises préféraient porter des vêtements plus confortables au lieu de corsages très serrés.
Le comportement du "professeur", quant à lui, n'est en aucun cas approprié. Il enfreint les règles de distance, et la réputation de la jeune fille semble en péril. Le citron pelé pouvait être interprété par les contemporains comme un symbole d'innocence offensée, même s'il était courant d'ajouter du jus de citron au vin à l'époque. Dans ce contexte, l'image représentée sur la fenêtre, rabattue de façon frappante dans la pièce, évoque la figure emblématique de la Tempérance, qui appelle à la modération avec une bride. En regardant de plus près, on distingue une femme arborant des armoiries familiales sur des rubans volants, mais Johannes Vermeer n'aura pas choisi le motif au hasard. Il détourne le regard de la jeune fille loin de la figure de la Tempérance pour l'orienter vers nous. Son sourire témoigne-t-il alors de son innocence enfantine ou d'un jeu risqué par rapport aux avances de l'homme ?