L'histoire
Le dit du Genji, dont le thème reste d'actualité aujourd'hui et qui a été lu dans le monde entier, a été écrit il y a plus de mille ans par une veuve, mère de famille, qui travaillait au palais. C'est une très longue histoire dans laquelle interviennent plus de mille personnages. Les premiers lecteurs passionnés de ce livre étaient les autorités de l'époque, notamment l'Empereur Ichijo. Shikibu Murasaki, l'auteur de ce livre qui ne compte pas moins de 54 livres différents, nous laisse une oeuvre mystérieuse. L'un des livres intitulé Kumogakure n'a pas été écrit. Shikibu Murasaki laisse volontairement quelques pages blanches. Le livre précédent se termine simplement par une confession de Hikaru Genji, le héros de l'histoire, à Akashi no Kimi (Dame d'Akashi). Hikaru Genji ferme les yeux de sa femme, Murasaki no Ue (Dame Murasaki), et avoue son pressentiment à Akashi no Kimi: "Ma vie sera bientôt terminée". Nous ne trouvons pas facilement des mots présentés ainsi avec tant de résonances et le lecteur peut laisser libre cours à son imagination.
Dans Le dit du Genji Kumogakure, Hiroshi Hori remplit les pages laissées blanches et décrit les sentiments de Dame d'Akashi. Dame d'Akashi est la fille d'un gouverneur, d'une classe sociale assez basse. Elle habite au bord de la mer d'Akashi que l'on trouve en descendant loin au sud de Kyoto. Elle est discrète et modeste, mais son père nourrit l'espoir de la marier à un homme riche de la ville. A cette époque-là, Genji avait été envoyé à Akashi dans la région de Suma parce qu'on avait découvert qu'il avait une liaison adultère avec Oborozukiyo no Kimi (Dame Oborozukiyo), femme destinée à l'Empereur. Là, Genji rencontre Dame d'Akashi. Après son séjour à Suma, Hikaru Genji rentre chez lui et Dame d'Akashi, restée seule, met au monde une fille.
Genji appelle Dame d'Akashi et sa fille auprès de lui. A peine arrivée, la jeune femme rencontre Dame Murasaki, la femme de Genji, et ses nombreuses maîtresses. Toutes ces femmes sont des princesses de toute beauté. Souhaitant que sa fille devienne un jour la femme de l'Empereur et craignant que la classe sociale de la dame d'Akashi ne soit un obstacle à ce mariage, Genji confie sa fille à Dame Murasaki et lui demande de l'élever. Dame d'Akashi souffre donc longtemps. En compensation de tous ces sacrifices, elle reçoit l'assurance qu'elle passera le reste de sa vie dans le luxe, ce qui est inimaginable pour son propre niveau social.
Stricte et raisonnable, Dame d'Akashi vit modestement, comptant seulement sur Genji. Dame Murasaki est morte. "A l'avenir, il n'y aura que des jours tranquilles, mais satisfaisants�" Mais ce rêve est éphémère. Genji meurt, lui aussi, en laissant son kimono comme souvenir et ses poèmes d'adieu.
Le rideau du spectacle se lève à ce moment-là.
Au printemps, sous les cerisiers en fleurs, en regardant le cortège funèbre de Genji, Dame d'Akashi se souvient de sa rencontre avec Genji, de la séparation de sa fille et de la présence des femmes de Genji. Une branche de cerisier lui rappelle celle que Genji lui avait envoyée, ornée de poèmes d'amour. Les beaux jours d'Akashi, de son pays natal avec Genji lui reviennent à la mémoire. A ce moment-là, pour la première fois, elle découvre l'amour qu'elle éprouvait pour Genji, elle ne l'avait jamais senti si fort, - Je voudrais le voir encore une fois - Il existe un arc que l'on appelle l'arc d'Azusa. Il peut faire apparaître les âmes des morts. Dame d'Akashi décide d'appeler l'âme de Genji. Mais il y a une règle à respecter. Il ne faut pas lâcher la flèche quand le mort apparaît et il faut la casser avec lui. Mais au moment où l'âme de Genji apparaît devant les yeux de Dame d'Akashi, celle-ci, effrayée, laisse tomber la flèche. Les fleurs de cerisier se dispersent brutalement comme si elles étaient des fleurs de l'enfer. Dame d'Akashi comprend finalement quelle était la règle d'or que l'on ne doit jamais violer. La réponse était dans les poèmes d'adieu de Genji.
Le dit du Genji est, en général, perçue par le lecteur comme un grand roman d'amour. Mais l'auteur, Shikibu Murasaki, introduit dans l'histoire, un grand thème qui est "sauvetage d'âme et renaissance". Pour créer ce spectacle j'ai pensé à ce thème fondamental et j'y ai pensé aussi pour choisir la musique.
Maiko Hori
*Les poèmes originaux de Shikibu Murasaki ont été traduits du japonais par René Sieffert dans sa traduction complète du Dit du Genji.
PROFIL - Hiroshi Hori -
Créateur de poupées, marionnettiste, dessinateur de kimonos (costumes traditionnels japonais) et de costumes de théâtre. Né le 1er janvier 1958, Hiroshi Hori a obtenu un diplôme en économie à l'université d'Aoyama Gakuin. Lauréat du concours national de la création de poupées, il a aussi reçu, en 1987, le prix de la culture des kimonos de l'association du costume national et le prix de la culture de la ville de Tokyo en 1991. Passionné dès son enfance par la création de poupées, Hori s'est consacré à cette activité après avoir remporté un prix pour la poupée qu'il avait créée pendant ses études à l'université, époque au cours de laquelle il a également étudié la peinture japonaise.
Les poupées de Hori sont de deux sortes. Les premières sont des objets artisanaux et traditionnels, les secondes sont des marionnettes de la taille d'un homme, et que l'on manipule sur la scène. Hori a notamment créé sa propre "danse des marionnettes", à laquelle il participe lui-même comme manipulateur. Le mouvement des marionnettes qui dansent tendrement et avec naturel diffère de la façon ordinaire d'utiliser n'importe quelle autre poupée. Pour trouver la possibilité de nouvelles expressions scéniques des marionnettes, Hori développe ses activités théâtrales collaborant avec les genres les plus divers: Shingeki (le Nouveau Théâtre), Nô, Kabuki, Opéra. Créateur de poupées, il organise des expositions de ses oeuvres à différents endroits. Hori a été invité au Centre Lincoln à New York, en Europe, en Chine et en Australie, non seulement pour ses activités scéniques mais aussi pour ses expositions.
A partir de 1982 il s'est lancé dans la création de nouveaux kimonos "Hana-Usagi" (Fleur-Rapin). Dessinateur de costumes scéniques, il crée de nombreux costumes de théâtre et aussi de cinéma. Hori est également un spécialiste de la danse traditionnelle japonaise. Son maître, Tokuho Azuma, membre de l'Académie au Japon, l'a nommé maître de danse et lui a donné son nom "Gyokuho Azuma". Le film de Masahiro Shinoda, Le dit du Genji-Ukifune, sorti en 1998 et dans lequel évoluent 47 marionnettes créées par Hiroshi Hori, est présenté comme un chef-d'oeuvre au musée Genji de la ville d'Uji à Kyoto.
HORI HIROSHI COMPANY
Le Dit du Genji - Kumogakure
Texte original: Shikibu Murasaki
Traduction des poèmes: Jakucho Setouchi
Adaptation, décors, chorégraphie et mise en scène: Maiko Hori
Création des marionnettes, costumes: Hiroshi Hori
Sélection de musique: Maiko Hori et Katsuo Seki
Art directeur: Norio Ishiguro
Lumière: Jun Ogasawara
Son: Katsuo Seki
Assistant du metteur en scène: Keiji Manako et Kumiko Ohashi
Chef des conservateurs de marionnettes: Katsue Iwamatsu
Maquilleuse: Naoko Hayano
Remerciement à monsieur: Kazumi Sakabe
Production: R.U.P. Takako Iwama et Hiroshi Hori compagnie
Avec:
Hiroshi Hori dans le rôle de Hikaru Genji et les marionnettes avec leurs Manipulateurs
Akashi no Kimi: Hiroshi Hori ("omozukai" premier manipulateur)
Toyotaka Azuma("wakizukai" deuxième manipulateur)
La fille d'Akashi no Kimi: Takafumi Satou
Murasaki no Ue: Keiji Manako
Les moines, les fraîcheurs de la nuit: Toyotaka Azuma, Keiji Manako, Takafumi Satou, Kumiko Ohashi, Takako Iwama
Supported by :
Tokyo Metropolitan Foundation for History and Culture
The Japan Foundation
Kyoto Yoshizen
Kyoto International Culture and Friendship Association
Sous les lumières de la scène, les yeux des poupées s'illuminent d'un éclat doré. Le monde flottant des rêves apparaît comme par enchantement. Une certaine transparence orientée vers le ciel transfigure les personnages du Dit du Genji. Inspiré par la peinture classique, le maître de cérémonie Hori Hiroshi transmet une énergie intense et délicate.
Comme l'eau épouse le lit de la rivière, le manipulateur ne faisant qu'un avec sa marionnette cherche à créer une chorégraphie unique, à la fois théâtrale et stylisée.
Ce spectacle aborde les rives d'une oeuvre classique japonaise dans un traitement contemporain. Cette adaptation libre de Hori Hiroshi et de son épouse Hori Maiko cristallise l'intemporalité et la modernité de cette incroyable histoire d'amour.
Jean-Luc Toula-Breysse
En écoutant les fleurs.
Les événements se déroulent pendant l'époque Heian. II y avait une femme qui aimait un homme et qui était aimée en retour. L'homme n'est plus de ce monde, il est parti laissant la femme aimée. Comme souvenir de l'homme qui fut son amant, il ne reste à la femme qu'un vêtement - un kimono. L'homme est Hikaru Genji et la femme est Dame Akashi, plus tard connue sous le nom de Akashi-no-Ue que le Genji a rencontré pendant ses jours d'exil désespéré.
On ne sait pas combien de temps s'est écoulé depuis que l'homme est mort. Toujours attachée à sa mémoire, la femme remplit ses jours de souvenirs des moments passés avec son amant sous un cerisier. Cet arbre où les deux amants ont volé plusieurs moments n'existe plus, il n'est plus qu'une illusion dans l'esprit de la femme.
Il fut un temps où l'homme a exprimé ses sentiments à l'aide des branches fleuries. Comme si elle voulait écouter à nouveaux ses déclarations d'amour, la femme s'enroule jour après jour dans le kimono de son amant parmi les fleurs� et attend. C'était peut-être la seule manière qu'elle connaissait pour arrêter le temps et s'échapper de la réalité.
Peut-être que le souvenir des fleurs et de son amant qu'elle gardait vivant dans son coeur était le fil ténu qui la reliait encore à la vie.
Dans cette mise en scène, les poupées jouent le rô1e de Dame Akashi, Hikaru Genji est interprété par Hiroshi Hori lui-même. En tant que marionnettiste et acteur, Hori, tout de noir vêtu, manipule non seulement les poupées mais il joue aussi le rôle du fantôme du Genji qui est rappelé du royaume des morts pour passer de fugaces moments de félicité auprès de Dame Akashi sous le cerisier. Cette mise en scène est un moment de rare subtilité et d'élégance.