16 février 1947
Professeur É. CARTAN
95, Bd Jourdan
PARIS, France
Cher collègue,
Je vous remercie beaucoup pour votre lettre du 14 janvier qui m'a appris que votre fils avait été tué par les Allemands. Tous les crimes commis par les Allemands ne semblent pas impressionner suffisamment les pouvoirs en place des soi-disant démocraties. La volonté d'empêcher la démocratie économique est plus forte que celle de nous protéger contre les nazis et autres fascistes.
J'ai beaucoup étudié les travaux de M. Tchernoff et je suis très impressionné par les connaissances approfondies qu'ils nous permettent d'acquérir sur les forces en mouvement de notre époque. J'essayerai d'éveiller l'intérêt d'un éditeur américain. Ce ne sera toutefois pas facile, car l'impression coûte cher ici, et le public est plus intéressé par les sujets sensationnels que par les recherches minutieuses.
J'étais déjà au courant du décès de Paul Langevin lorsque j'ai reçu votre lettre. Il faisait partie des rares hommes que j'admirais et aimais profondément. Il était vraiment trop bon et trop pur pour ce monde.
Je vous envoie mes derniers articles. Après tant d'années, c'est la première fois que je trouve une généralisation de la théorie gravitationnelle qui a des chances d'être exacte. Je ne suis pas d'accord avec les petites modifications qu'Erwin Schrödinger a apportées et rendues publiques il y a quelques semaines.
Cordialement,
A. Einstein
Masquer TranscriptionAfficher Transcription