La tradition du théâtre de poupées ou de marionnettes en Chine remonte au tout début du premier millénaire de notre ère. Les Annales des Han postérieurs (23-220) et les Anciennes Annales de la dynastie Tang attestent l'existence de représentations avec des figurines humaines capables de chanter et de danser, organisées à l'occasion des rites funéraires et qui se transformèrent au cours du IIIe siècle en spectacle de divertissement. Ces proto-marionnettes représentaient des serviteurs, des danseuses des musiciens et des guerriers. Par la suite elles furent utilisées pour imiter la danse des magiciens fang xiangshi appelés lors des funérailles pour écarter les démons, puis dans les attractions de l'époque, danses, numéros de jonglerie, d'acrobatie, qu'on appelait les Cent Attractions, destinées à distraire les esprits et les dieux au cours de cérémonies funéraires comme à l'occasion des fêtes et banquets. Sous la dynastie Song (960-1279), on signale l'existence de presque tous les types de théâtres de marionnettes actuellement en usage: théâtre d'ombres, marionnettes à gaine, à tige, à fil, à poudre, et sur eau.
A Taïwan, le théâtre de marionnettes à gaine se divise en deux catégories, le théâtre traditionnel et le théâtre moderne. Le premier qui nous intéresse ici, comprend plus de deux cents troupes pour la plupart semi-professionnelles. Elles jouent dans les quartiers de Tapei et dans les villages avoisinants, dans les temples à l'occasion de cérémonies particulières telles qu'une naissance, un anniversaire ou un mariage.
Un monde en miniature: marionnettes, chevaux, tigres�
Le petit castelet, en bois sculpté et doré, est fixé à un échafaudage. En fond de scène est tendue une toile qui dissimule les manipulateurs. Le fond comprend deux portes, à gauche et à droite, et une tour centrale pour les entrées et sorties n'impliquant pas de changement de lieu.
Les marionnettes mesurent une vingtaine de centimètres. Elles sont fabriquées par des sculpteurs spécialisés dans la statuaire religieuse, auxquels les marionnettistes donnent leurs instructions. Le bois utilisé est le camphrier suffisamment dur pour résister aux chocs et aux chutes. Le gros travail du sculpteur réside dans la fabrication de la tête. Il faut souligner les traits caractéristiques du visage, et le doter d'un mécanisme parfaitement ajusté permettant au manipulateur de rendre, par des mouvements subtils des yeux et de la bouche, les diverses expressions de son personnage. La forme de la tête est conçue à partir des combinaisons qui peuvent affecter les deux yeux, les deux narines, la bouche, l'arcade sourcilière, le menton et les pommettes (qui rendent diverses expressions comme le bonheur, la tristesse, la colère, la joie, la fidélité, la traîtrise, la sagesse, la bêtise�). Grossièrement taillée, la tête est ensuite enduite d'une pâte qui, une fois solidifiée, est sculptée, polie, peinte et cirée.
La marionnette est ensuite vêtue de riches brocards et coiffée de perruques interchangeables.
Quatre musiciens dissimulés: la découverte d'une tradition musicale.
L'orchestre se tient derrière le castelet et comprend quatre ou cinq musiciens. Le chef d'orchestre donne le rythme avec le tambour et des cliquettes en bois. Un joueur de grand tambour intervient pour les scènes de combat, il joue également de la vièle à deux cordes et du luth en forme de lune. Enfin interviennent un ou deux joueurs de gongs et de cymbales. Les marionnettistes assurent le dialogue et le chant.
Le genre musical présenté ici et qui accompagne le théâtre de marionnettes appartient au répertoire de Pei Kuan. Développé tout d'abord dans le nord de la Chine sous la dynastie Ching (1644-1911), et dans le cadre des théâtres populaires locaux, il s'est enrichi au cours de ses pérégrinations vers le sud, de diverses mélodies populaires et de pièces lyriques. Le répertoire de Pei Kuan comprend actuellement une centaine de morceaux importants ayant chacun un usage spécifique, par exemple: "Quand un empereur commence une guerre", "Pour l'entrée des premiers Ministres", "Pour l'arrivée des princes",�
La troupe la plus connue de Taïwan.
Hsiao Hsi-yuan est une des troupes professionnelles de marionnettes à gaine les plus renommées de Taïwan. Elle se caractérise par la finesse et l'expressivité de ses marionnettes sculptées dans le style raffiné de Ch'uan-Chou, et par l'élégance et l'intensité dramatique de son interprétation de répertoire de Pei Kuan. Elle a remporté plusieurs Premiers Prix et fut invitée maintes fois à tourner au Japon, aux USA, au Canada et à Singapour. Formée de trois manipulateurs et de quatre musiciens, elle est dirigée par le Maître Hsu Wang, réputé pour son oeuvre de préservation et de promotion des arts traditionnels.
PROGRAMME.
1. Prélude instrumental.
2. Le général Guan Yu exécute Yen Liang.
Cette scène s'inspire de la vie héroïque d'un des plus célèbres généraux de l'histoire chinoise, Guan Yu, qui vécut à l'époque des Trois Royaumes (220-265). La scène présente tout d'abord le Premier Ministre Ts'ao (visage blanc) en proie à la désolation car le général Yan Liang du camp adverse vient de tuer ses meilleurs lieutenants. Guan Yu lui devant une faveur, il fait donc appel à lui pour se débarrasser de Yen Liang. Cette scène présente diverses actions spectaculaires s'inspirant de l'équitation et des arts martiaux.
3. Le retour de Fang Yiqing
Fang Yiqing est un lettré; il a dû s'absenter trois longues années de chez lui pour régler diverses affaires. Un jour, après avoir bu un peu de vin, il décide d'écrire à son épouse pour lui annoncer son retour. Cette scène évoque un moment intime de la vie chinoise avec une remarquable finesse de gestuelle et d'expressions.
4. Combat sur la montagne des Fleurs de Pêcher.
Ou comment Zhao Guangying, futur fondateur de la dynastie Song (960-1279), soumit trois malandrins.
5. Wu Sung tue le tigre.
Cette grande scène d'aventure est extraite du célèbre roman populaire du XVIe siècle Shui-hu zhuan. La scène commence par l'entrée d'un clown qui annonce sa décision de faire une courte promenade. Malheureusement, il est attaqué par un tigre féroce et tué. Plusieurs chasseurs essayent en vain de traquer la bête, et finalement, c'est Wu Sung qui, à mains nues, parvient à la soumettre.
Manipulateurs: Hsu Wang, Hsu Kuo-liang, Hung Ch'i-wen
Musiciens: Ch'in Huo-long, Chu Ching-song, Chang Chin-tu, Ch'in Ten-huang
Régie et costumes: Ch'en Chuan-an, Huang Ah-chao