C'est dans La Loge, peint en 1874, que Nini Lopez fait son apparition dans la peinture d'Auguste Renoir (1841-1919). La jeune Montmartroise, cruellement surnommée Nini-Gueule-de-Raie, y est figurée aux côtés du frère de l'artiste. Bien que l'œuvre ait été immédiatement acquise par le Père Martin, Renoir, comme la plupart de ses amis impressionnistes, traverse à cette époque une période de graves difficultés financières. Au printemps 1875, l'artiste s'installe dans un nouvel atelier sur la butte Montmartre, rue Cortot. Dans le jardin, dont le peintre apprécie l'aspect à moitié sauvage, Nini pose régulièrement. Réputée sérieuse et ponctuelle, la jeune femme devient le modèle favori de l'artiste entre 1875 et 1879. Elle apparaît dans au moins quatorze tableaux.
Le Portrait de Nini Lopez est peint en 1876, l'année où le peintre donne le meilleur de lui-même dans d'éblouissantes compositions comme La Balançoire ou le Bal du moulin de la Galette. Mais Renoir multiplie au même moment les scènes intimistes et les portraits de petits formats à des fins commerciales. La toile acquise par le collectionneur havrais Olivier Senn est extrêmement proche d'une œuvre de dimensions plus réduites, Portrait de Nini Lopez (profil blond), dans laquelle la jeune femme porte exactement la même tenue : corsage blanc et noir, foulard vert et catogan noir retenant la chevelure. Les traits du modèle sont habités de cette même douceur qui confère à Nini son charme rêveur.
Le tableau, qui fait une large place à l'étude de la lumière en arrière du modèle, a vraisemblablement été exécuté à proximité de l'une des fenêtres ouvrant sur le jardin de l'atelier de la rue Cortot. Renoir cherche alors à traduire les reflets changeants de la lumière sur la figure humaine.
Une étude menée par le Centre de recherche et de restauration des musées de France a révélé que Renoir avait réutilisé une toile déjà peinte – un paysage horizontal – et qu'il l'avait redressée verticalement avant de l'agrandir au moyen de deux bandes. L'œuvre conserve la trace de cette histoire – coups de pinceau épais sous-jacents sur le visage de la jeune femme, traitement proche de l'esquisse sur les bords latéraux –, et la liberté d'exécution qui en résulte donne à l'ensemble une extraordinaire modernité.
En 1877, alors que le talent de portraitiste de Renoir lui vaut d'obtenir de prestigieuses commandes auprès de la bourgeoisie, Nini disparaît de sa peinture à la suite de son mariage avec un acteur de troisième zone du théâtre de Montmartre, au grand dam de sa mère et de l'artiste, devenu son protecteur, qui rêvaient pour elle d'un mariage bourgeois. Mais durant les six années où elle posa pour l'artiste, la jeune Nini incarna l'idéal féminin de Renoir, fait de joie et de bonheur de vivre.
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