Sabre d'officier supérieur des grenadiers à cheval de la Garde des Consuls du maréchal Bessières Vue générale

Jean-Baptiste Bessières est colonel des grenadiers à cheval de la Garde des Consuls, entre décembre 1799 et juillet 1800. Après la bataille de Marengo, le 14 juin 1800, il devient général de brigade, commandant en second la cavalerie de la Garde (18 juillet 1800). Ce sabre courbe correspond donc à la période pendant laquelle le futur maréchal dirigeait directement les grenadiers à cheval, à titre de colonel.
La garde en acier ciselé et doré à trois branches animées d'arabesques, de volutes végétales et de rosettes est en harmonie avec les inspirations gréco-romaines du mouvement néoclassique qui caractérise l'art de la période. Une quatrième branche est soudée au verso de la garde ; toutes sont soudées à la branche de la croisière et s'achèvent par des têtes de coq. Le bouton de calotte, en tête de lion, repose sur une base à pans coupés ornés de huit étoiles. La demi-calotte en accolade est ciselée d'une palmette. La coquille en forme d'étoile est ornée d'une grenade, emblème des grenadiers en particulier et des troupes d'élite en général. La croisière comporte une virole et un couvre-chape godronnés, assurant l'étanchéité du fourreau. Le quillon de plateau s'achève en tête d'aigle recourbée vers le sol, évoquant la puissance militaire. La poignée est en chagrin strié d'un filigrane doré.
La lame, à dos rond, gouttière et pans creux, est damasquinée et bleuie au tiers. Elle comporte un contre-tranchant d'inspiration orientale. Le décor se déploie sur le tiers supérieur. À l'avers, la peau du lion de Némée, attribut d'Hercule, pend sous un trophée d'armes à l'antique. L'inscription « Grenadiers à Cheval » dans un cartouche bleui identifie la troupe, dont les exploits sont salués par une Renommée en partie damasquinée, tenant une palme à la main en référence à la victoire des armes. La polychromie rehausse la richesse du décor couvrant, différent au revers : un médaillon frappé du monogramme « JBB » gravé en creux dans la damasquinure surmonte un bouclier sur lequel se déploie l'inscription « Garde des Consuls ». Le décor s'achève par un fleuron surmonté d'une couronne de lauriers et d'un trophée d'armes qui synthétise l'ensemble des qualités et de la symbolique militaire déroulées sur l'arme, alliées à l'ornementation néoclassique.
Le fourreau est orné de palmettes, de rosettes, de feuilles de papyrus et de volutes végétales qui couvrent la chape, les bracelets, les pitons et la bouterolle. On peut apprécier le jeu des contrastes chromatiques entre l'acier doré (bruni ou amati par le traitement en grènetis) et le chagrin, laissé apparent entre la chape et la bouterolle. À l'avers de celle-ci, un médaillon ovale enserre une hache, autre symbole des grenadiers et référence à celle qu'ils portaient accrochée à leur giberne sous l'Ancien Régime. Ce motif peut aussi implicitement évoquer le faisceau républicain, la hache étant encadrée par une branche de lauriers à gauche, symbole de la victoire, et à droite par une branche de chêne, emblème des vertus civiques. Un bracelet factice, en tore de lauriers, sépare en deux la bouterolle qui s'achève en cannelures et vient s'ajuster sur le dard en acier par une patte de lion. Une petite cupule placée sous le dard permet de laisser reposer le fourreau sur le sol en évitant l'usure due au frottement. Le revers est traité de même, sauf le médaillon où se déploie la massue d'Hercule sortant de deux flèches croisées. Ainsi, l'ornementation mélange des motifs antiquisants et des iconographies martiales traditionnelles, qui symbolisent les vertus de force et de courage inhérentes à l'armée.
La richesse de l'ornementation, le parfait état de conservation et la fragilité de la dorure désignent une arme de prestige, non utilisée sur le champ de bataille, les officiers lui préférant un modèle plus sobre dit « à garde de bataille ». La courbure de la lame est une citation directe du sabre modèle 1783 qu'elle reprend. Cette arme s'inspire également du sabre des officiers particuliers en enrichissant son décor. Plusieurs sabres de ce type sont conservés au musée de l'Armée, entre autres ceux des généraux Ordener et Walther, successeurs de Bessières à la tête de ce corps.
Cette arme constitue un précieux témoignage de la symbolique en vigueur à l'époque ainsi que de l'extension du goût néoclassique dans tous les domaines des arts décoratifs. Un exemple aussi prestigieux nous permet d'apprécier le travail des manufacturiers de Klingenthal qui se montrent capables de rivaliser avec Nicolas-Noël Boutet à Versailles.