Comme son oncle le célèbre Canaletto, Bellotto était un spécialiste de la "veduta", c'est-à-dire la représentation de monuments et de vues panoramiques urbaines. Très en vogue en Italie au XVIIIe siècle, ce genre plaisait particulièrement aux jeunes aristocrates anglais entreprenant leur "Grand Tour", une visite du continent européen qui faisait partie intégrante de leur éducation. Ancêtres des images souvenirs, les "vedute" permettaient aux voyageurs de garder une trace de leur passage dans les villes italiennes.
Bellotto s'attache à dépeindre l'architecture vénitienne avec beaucoup de fidélité, de rigueur et de précision. Ainsi peut-on par exemple reconnaître au fond le palais Balbi avec ses deux obélisques sur le toit. A l'arrière-plan, s'élèvent le campanile de l'église des Frari à gauche, et le clocher de l'église San Toma à droite. Cependant, le peintre dépasse la description exacte en imprégnant sa composition de toute la magie dégagée par la Cité des doges. Il se montre soucieux d'insuffler la vie à cette vue urbaine en y ajoutant quelques détails pittoresques. Sous un ciel venteux teinté d'argent, les bâtiments se dressent majestueusement au centre de la composition. De petites silhouettes élancées et colorées se déplacent sur des gondoles. Elles rythment et animent l'ensemble de ce décor théâtralisé, en contraste avec les lignes plus rigides et monochromes de l'architecture.