Né à Paris dans une famille d'origine anglaise, Alfred Sisley (1839-1899) est envoyé au Royaume-Uni à l'âge de dix-huit ans. C'est là qu'il découvre, avant les futurs impressionnistes, l'œuvre de Turner, largement exposée à Londres, et celle de Constable, autre maître incontesté du paysage anglais. Très vite, des difficultés financières persistantes l'amènent à vivre dans les environs de Paris, d'abord à Louveciennes, puis à Marly. Après 1880, il s'installe dans la région de Moret-sur-Loing, où il demeurera jusqu'à sa mort.De 1882 à 1885, Sisley explore les bords du Loing. Entre Moret, ville médiévale de campagne, et Saint-Mammès, réputée pour ses constructions de bateaux et ses activités traditionnelles, Sisley multiplie les points de vue. En 1885, le groupe de maisons situé près des écluses mobilise son attention et lui fournit le motif d'un ensemble de compositions assimilable à une série. Sisley procède à un relevé systématique des lieux, qu'il consigne dans ses carnets de dessins et annote de détails techniques. Malgré l'ambiguïté du titre donné au tableau – Le Loing à Saint-Mammès –, Sisley semble s'être posté à l'exacte confluence de la rivière et de la Seine, sur la berge du Loing, le regard balayant le fleuve et la petite ville.Protagoniste essentiel de ce paysage, le ciel absorbe les deux tiers de la composition. Comme Constable lorsqu'il se livre à une étude systématique des types de nuages, Sisley attribue un rôle « architectural » au ciel, dont les différents plans contribuent à donner de la profondeur à son tableau. Dans le magistral « avant-plan » de la berge, véritable espace d'abstraction pure, l'artiste projette l'ombre portée des nuages en touches libres et énergiques, comme sur une palette de couleurs. Chaque plan est animé d'une touche caractéristique : touche enlevée et somptueuse pour la berge, aplats structurés des maisons, légèreté vibrante de la végétation, transparence du ciel.Dans les années 1880, Sisley, comme les impressionnistes, s'interroge sur les propriétés inhérentes à la couleur. Sa réponse consistera à accentuer chaque teinte et à mettre au point une gamme chromatique que l'on retrouvera en 1897 dans ses vues côtières du pays de Galles.