C’est au Havre que Gustave Courbet (1819-1877) découvre la mer, lors d’un voyage qu’il effectue sur la côte normande en 1841, avec son ami d’enfance Urbain Cuenot. Il revient sur les bords de la Manche en 1852 et, de 1865 à 1869, séjourne régulièrement au Havre, à Honfleur, Trouville, Deauville et Étretat. C’est là qu’il peint ce qu’il appelle des « paysages de mer », c’est-à-dire des « mers orageuses », des « trombes » ou des « vagues ». Se démarquant radicalement du genre traditionnel de la « marine », qui cède encore souvent au pittoresque (scènes de naufrage, de pêche…) quand il ne s’agit pas d’épisodes d’histoire navale, Courbet trouve son inspiration dans une approche directe de la mer. Fasciné par le spectacle de l’océan et par le mouvement rapide, insaisissable et continuellement renouvelé de la houle, il cherche à en saisir la puissance. Peignant inlassablement les mêmes motifs, il invente avant Monet et les impressionnistes le concept de « série ».Au cours de l’été 1869, Courbet s’installe à Étretat, petite ville de pêcheurs nichée au fond d’une valleuse qu’enserrent d’impressionnantes falaises de craie. C’est là qu’après avoir peint « neuf paysages de mer desquels [il est] content », il décide de « commencer […] un paysage de mer de 1 m 60 pour l’exposition [n’ayant] jamais exposé ce genre ». L’artiste ambitionne en effet de présenter au Salon de Paris de l’année suivante une toile de la série, mais dans des dimensions bien supérieures à celles de ses tableaux précédents. Il en présente finalement deux : La falaise à Étretat après l’orage et La mer orageuse (toutes deux au musée d’Orsay). Tels des pendants évoquant les variations atmosphériques – avec d’un côté le déchaînement et de l’autre l’apaisement de la nature –, les deux toiles offrent deux points de vue différents sur le site. Si la falaise blanche et la grève occupent une part importante de la composition de La falaise à Étretat, mettant ainsi en valeur l’aspect minéral du lieu, c’est la mer houleuse sous un ciel chaotique qui est le sujet principal de La mer orageuse. La critique, unanime, loue les deux œuvres.Courbet peint trois autres versions de La mer orageuse. Les deux premières reprennent, dans des dimensions plus modestes, la composition du tableau aujourd’hui conservé au musée d’Orsay. La dernière, acquise par le MuMa, se distingue par un cadrage plus resserré au niveau du ciel, lequel se trouve réduit de moitié. Ce parti pris a pour effet de concentrer l’attention sur la mer déchaînée et sur cette vague fantastique, comme figée dans son mouvement. L’artiste offre une vision particulièrement intense d’une mer tourmentée et inquiétante. Travaillant au couteau une matière épaisse, Courbet parvient à traduire la puissance sauvage des forces naturelles. « Sa marée vient du fond des âges », dira plus tard Cézanne.
Intéressé par "Visual arts" ?
Restez informé via votre newsletter personnalisée Culture Weekly
Tout est prêt.
Vous recevrez votre première newsletter Culture Weekly cette semaine.