Un récit du Mahâbhârata avec
Balappa, manipulateur; Bheemavva, chanteuse; Virupakshappa, Yenkappa, Shekarappa, musiciens.
Kodi Srinivas Upadhyaya, directeur.
Hitthalapura C. Boralingaiah, directeur artistique.
Au Karnataka, Etat du sud-ouest de l'Inde, le théâtre d'ombres Togalu Bombeyata pratiqué dans la communauté des Killekyâtas représente une forme encore plus populaire que le théâtre des marionnettes à fils, car il s'incrit directement dans leur vie quotidienne en y remplissant la fonction de rite de fertilité. Les Killekyâtas, peuple de chasseurs de langue marathi (du Maharashtra), regroupent environ 14.000 personnes. Ils semblent avoir immigré au Karnataka voici plusieurs siècles, amenant avec eux des figurines de cuir. Selon certaines traditions, le mot Killekyâta qualifie une tribu d'humble origine gagnant sa subsistance en contant des histoires à caractère érotique. C'est pourquoi à l'époque victorienne le gouvernement de Bombay a interdit ce théâtre. Dans le langage populaire le terme Killelyâta désigne "un homme à l'apparence difforme, grotesque et famélique". On en trouve un exemple dans l'un des personnages, bouffon sauvage ouvrant une bouche démesurée qui fait son entrée au début de la pièce, juste après les prières propitiatoires aux divinités. Ce personnage paillard réclame tout de suite la présence de sa maîtresse, et tous deux jalonnent la pièce de scènes comiques et obscènes.
La légende voudrait que ce fût Guha, le batelier qui transporta Rama d'une rive à l'autre du Gange, qui créa le théâtre d'ombres, don qu'il aurait reçu de Rama lui-même en remerciement de son aide. C'est pourquoi le premier né de chaque famille de Killekyâtas reçoit le nom de Rama ou Ramayya. Le Livre des Chroniques de Mysore rapporte qu'en 1520 les Killekyâtas furent honorés par le Sultan de Bijapur qui leur fit de nombreux présents. Aujourd'hui encore, une troupe de Killekyâtas, attachée au temple d'Hanuman près de Belgaum, possède une large pièce de terre offerte par le Sultan.
Le Togalu Bombeyata consiste à créer un univers de couleurs à partir de la projection de figurines derrière un écran blanc. Les ombres mobiles avec leurs transparences, les effets de flou, animent l'écran, suscitant une fascination particulière. Elles mesurent de 35 à 60 cm de hauteur. Il s'agit donc d'un théâtre intimiste. Les figurines sont découpées dans de la peau de daim pour les plus anciennes (certaines ont deux siècles) et dans de la peau de chèvre ou de buffle pour les plus récentes. A l'exception de quelques personnages de danseuses ou de bouffons, les figurines ne sont pas articulées mais se présentent sous forme de panneaux compacts colorés par de larges aplats. Le graphisme des contours extérieurs et intérieurs dait apparaître à la fois le profil et la face des personnages. Le but du spectacle de Togalu Bombeyata étant la prière pour la pluie, pour la fertilité des femmes, la guérison d'une maladie et la prévention des épidémies, il est entouré d'un certain nombre de rites.
Au moment des récoltes, le chef du groupe des Killekyâtas se rend chez un notable du village ou de la ville voisine et lui demande la permission de jouer. En cas d'agrément, l'hôte doit fournir l'huile pour les lampes, une certaine quantité de riz et de l'argent pour sceller l'engagement de la troupe. Le manipulateur observe une période de jeûne, puis une volaille est sacrifiée au moment de l'érection du castelet et un mouton est égorgé avant que les musiciens ne commencent à jouer. Ces rites ont pour but d'assouvir et d'éloigner les mauvais esprits tels que Ravana ou Chauda-Munda.
Le marionnettiste, jamais visible du public, s'enferme alors dans une petite cage de végétaux tressés ou d'étoffes tendues sur des battants de bambou. Il peut ainsi rester de longues heures, assis sur ses talons, à manipuler ses figurines. Pour certaines scènes, il peut appeler l'un de ses fils qui abandonne alors sa place dans l'orchestre pour venir le seconder.
Les musiciens s'asseyent face à l'écran, dos au public. Les instruments sont un tambour à deux faces (dhol), une flûte, un bâton mis en vibration dans un plat d'eau (jowar) , un hautbois (mukhavina), des cymbales (tali et gangala) enfin l'harmonium d'introduction récente. Les chants alternent avec les passages de musique instrumentale et les dialogues. Airs et récitatifs où les voix d'hommes se mêlent aux voix de femmes (fait rare dans le théâtre indien) peuvent durer du coucher du soleil à l'aube.
Suite au puritanisme qui sévit en Inde depuis l'époque victorienne, un grand nombre de troupes de Togalu Bombeyata ont largement édulcoré leurs spectacles. Mais en dépit de ce compromis, elles s'attachent toujours à représenter des extraits des grands textes épiques connus de tous, Ramayana, Mahâbhârata, Bhagavatapurana.
PROGRAMME
Histoire du roi Kitchatka, extraite du Mahâbhârata, sous-titrée par diapo-textes en français.
Draupadi est l'épouse commune des cinq Pandava; Kitchatka est prêt à commettre un viol; la femme se prête au jeux du faux semblant et se délecte à la vue d'un de ses maris tuant son prétendant. Arjuna, un amoureux fougueux du Mahâbhârata se fait passer pour un eunuque afin d'enseigner la danse à la princesse Uttara, le bouffon et la bouffonne rompent le ton épique pour se livrer à de plaisenteries salaces et à des gestes équivoques au cours de leur danse.
Le texte de cet extrait est joué et chanté en langue kanada.
Histoire du roi Kitchatka, extraite du Mahâbhârata.
Les personnages:
Ganapati ou Ganesha, dieu à tête d'éléphant, fils et général des troupes divines de Shiva.
Saraswati, déesse de la connaissance.
Mahankali, déesse de la destruction des mauvais esprits
Les Pandava: les cinq fils de Pandu, roi de Hastinapura: Dharmaraya, Bheema, Arjuna, Nakula et Sahadeva.
Draupadi, épouse commune des cinq Pandava.
Virata, roi de Viratapuri
Sudeshna, reine, épouse de Virata
Kitchatka, frère de Sudeshna
Killekyâta, bouffon
Bangarakka, bouffonne, épouse de Killekyâta.
Manifestation organisée dans le cadre de l'Extra European Arts Committee for the promotion of non western arts.