« A quatre lieues de Blois, à une lieue de la Loire, dans une petite vallée fort basse, entre des marais fangeux et un bois de grands chênes, loin de toutes les routes, on rencontre tout à coup un château royal, ou plutôt magique. On diroit que, contraint par quelque lampe merveilleuse, un génie de l’Orient l’a enlevé pendant une des mille nuits, et l’a dérobé au pays du Soleil, pour le cacher dans ceux du brouillard avec les amours d’un beau prince. Ce palais est enfoui comme un trésor ; mais à ces dômes bleus, à ces élégants minarets arrondis sur de larges murs ou élancés dans l’air, à ces longues terrasses qui dominent les bois, à ces flèches légères que le vent balance, à ces croissants entrelacés partout sur les colonnades, on se croiroit dans les royaumes de Bagdad ou de Cachemire […] ».
Extrait de : Alfred de Vigny, Cinq-Mars ou une conjuration sous Louis XIII, tome III, Paris, Le Normant père, 1826, pp. 243-244.