En septembre 1878, la famille Monet s'installe à Vétheuil, sur les berges de la Seine, à une cinquantaine de kilomètres en aval de Paris. Des fenêtres du premier étage de la maison, orientée au sud-ouest, la vue s'étend sur une boucle du fleuve. En hiver, le soleil se couche derrière le hameau de Lavacourt, sur la rive opposée. De son bateau-atelier amarré en bas du jardin, Claude Monet (1840-1926) travaille sans relâche, dans les îles, sur la berge, sur la Seine, à l'affût des fluctuations du paysage. Alors qu'il multiplie les points de vue sur Vétheuil, l'hiver 1879-1880, l'un des plus rigoureux de l'histoire, va lui offrir un motif nouveau et les éléments d'une série de vingt-quatre tableaux.À la suite d'une chute spectaculaire des températures en décembre 1879, la Seine gèle en profondeur et la couche de glace atteint bientôt 50 centimètres d'épaisseur. Lorsque le dégel s'amorce à Paris, la situation devient vite catastrophique. Le fleuve charrie d'énormes blocs de glace et deux ponts sont emportés. De Vétheuil, Monet se passionne pour ces phénomènes météorologiques et, de décembre 1879 à mars 1880, il peint au jour le jour l'évolution de cet hiver exceptionnel. Aux paysages de neige succèdent ceux de la Seine gelée puis ceux de la débâcle.Tout entier baigné d'une calme lumière rosée, Soleil d'hiver à Lavacourt est peint en plein cœur de l'hiver. Organisée autour de l'horizontale haute correspondant à la rive opposée de la Seine, la composition est simple. À l'arrière-plan, le village sépare tout en les reliant les deux éléments contrastés que sont le ciel et l'eau. La touche longue, régulière et parallèle utilisée dans la partie basse du tableau accentue le caractère horizontal de la composition. Fortement divisée, elle laisse apparaître la toile en réserve. L'harmonie colorée du paysage provient du contraste entre deux couleurs complémentaires, l'orangé et le bleu, conformément aux règles issues de la décomposition optique de la lumière qui ont gouverné l'œuvre des peintres coloristes depuis Delacroix.