Parmi les nombreuses formes d'art du Karnataka (Sud-Ouest de l'Inde) une des plus remarquables, le Yakshagana, se présente à la fois comme un théâtre d'acteurs et comme un théâtre de marionnettes. Les poupées, sculptées dans un bois tendre avec beaucoup de naïveté et d'imagination artistique par des artisans ruraux de la région, maîtres en la matière, sont maquillées, coiffées et vêtues exactement dans le style des acteurs de Yakshagana (Le Yakshagana est une sorte d'opéra populaire donné dans les champs au moment des moissons. Le spectacle dure toute la nuit et relate des épisodes du Ramayana et du Mahabharata. Le théâtre très codé dans ses costumes, ses danses, se désacralise de plus en plus et établit une communication immédiate au niveau du langage, au niveau de la geste, avec son public).
Les poupées se présentent sur une scène appelée "Rangasthala". Elles sont manipulées par un montreur: le "Soothradhara". Il insuffle la vie aux poupées en les manipulant, par le haut, grâce à un système de fils. Le bas du corps des poupées reste toutefois libre. Les mouvements sont stabilisés grâce au poids des jambes faites d'un bois plus lourd que le reste du corps. Le "Soothradhara" reste invisible pendant toute la durée du spectacle. Pourtant ce qui se passe derrière le rideau est tout aussi important que ce qui est vu de front: des musiciens frappent sur des tambours et soufflent dans des flûtes, en changeant sans cesse d'instrument.
L'un d'eux se met à chanter. Le public entend la mélodie d'une toute jeune fille: le chanteur a plus de soixante ans. Puis les paroles jaillissent de l'un ou l'autre des musiciens qui deviennent tour à tour charmeurs ou vociférateurs. Les aides manipulateurs introduisent sans cesse des éléments nouveaux, allument de petites torches, font brûler des parfums, tourner les auréoles des dieux, se faufiler les cobras sous les pieds des poupées.
Cet art a survécu miraculeusement dans le sud Kanara en langue Kanada... miraculeusement parce qu'il y a vingt ans il semblait sur le point de disparaître. Un vieil homme Devanna Padmanabha Kamath, grâce à son travail de recherche sur le mouvement et à sa collection de poupées, lui rendit un sang neuf. Il mourut en 1971, à l'âge de quatre-vingt ans, laissant à son fils Kogga Kamath et à un de ses amis villageois le soin de reprendre le théâtre de poupées. Il leur disait "donnez à votre art le meilleur de vous-même. Il vous exaltera. Il vous montrera la valeur de la vie. Ne soyez pas mesquin et réclamez qu'il vous nourrisse et qu'il vous habille".
En 1971 on ne trouvait déjà plus dans toute l'Inde qu'une trentaine de troupes de poupées de Yakshagana. Celle qui est présentée est formée par les villageois de Coondapoor. Dans la journée, ils s'occupent de leurs champs et des travaux agricoles et la nuit, sculptent, cherchent les dialogues, inventent de nouvelles manipulations. Les difficultés économiques les contraignent malheureusement à abandonner de plus en plus leur vocation artistique. Ils donnent en général les spectacles, après la saison des pluies, dans les maisons des familles aisées qui contribuent ainsi à subvenir à leurs besoins.
Répertoire
LES COMBATS DE GHORABHEESHANA. extrait du Mahabharata.
NARAKASURA VADHA OU L'INVASION DES DEMONS
Les artistes
K.S. UPADHYAYA (Chef de groupe et coordinateur artistique),
U. KOGGA KAMATH (Chef montreur),
U. VAMAN PAI (Montreur),
H. DINKAR BHAT (Montreur),
BHASKAR KAMATH (Montreur),
RAMCHANDAM (Chanteur),
H. NARAYANA (Chanteur),
S.S. SHANBHOGUE (Shruti: Hautbois),
SUBRAYA MALLYA (Chenda: tambour),
N.M. SHET (Maddale: tambour).