Des dessins à la Punch aux mangas

Conception : Ministry of Economy, Trade and Industry

Kiyochika Kobayashi "Asian Seafood", 10 octobre 1885, Marumaru Chinbun numéro 513, Marumarusha

Au Japon, les caricatures de style occidental étaient désignées par le terme "Punch" entre la fin de l'époque d'Edo et l'ère Meiji. Mais comment ces "dessins à la Punch", largement appréciés, se sont-ils transformés en mangas ?

Western Satirical Punch Picture Figures published by "Kōko Shinbun" on April 3, 1868 (Kōko Zappō Shokyoku, kept at the Mainichi Newspapers Co. Araya Bunko) (1868)Source d'origine : National Institute of Japanese Literature

D'où venaient les "dessins à la Punch" ?

 Ippyō Imaizumi a été la première personne à utiliser le mot "manga" pour désigner les caricatures des pays occidentaux, mais les caricatures de style occidental sont apparues au Japon à la fin de l'époque d'Edo. À partir de la publication de "Seiyō Giga Ponchi no Zu" (Illustrations satiriques occidentales à la Punch), les caricatures de style occidental ont été désignées par le terme "Punch" ou "dessins à la Punch". Il s'agissait d'une référence à "PUNCH", grande revue satirique britannique. Le mot "Punch" (prononcé "ponchi" en japonais) était utilisé pour faire référence aux caricatures de manière générale.

Kuniyoshi Utagawa "Curious Good Doctor Treating Difficult Patients" (1850)Source d'origine : Waseda University Library

Ukiyo-e (images du monde flottant) satiriques de la fin de l'époque d'Edo

 De nombreux ukiyo-e comportant des sens satiriques cachés ont été produits à la fin de l'époque d'Edo. Les marges autour de ces images étaient alors remplies de mots qui auraient été rédigés par des auteurs populaires. Les images de ce genre étaient également utilisées dans les kusazôshi, des ouvrages de littérature illustrés abondamment produits pendant l'époque d'Edo.

Written by Sanba Shikitei, drawn by Toyokuni Utagawa "A Device for Peeping into the Human Heart" (1794)Source d'origine : Waseda University Library

Kinkichirō Honda "Yatsuto Makashiyo Satsukorasa", October 20, 1877, Marumaru Chinbun issue 31, Marumarusha (1877)Source d'origine : National Institute of Japanese Literature

Fusion avec la culture occidentale

 Au début de l'ère Meiji, de nombreux journaux et magazines ont commencé à être publiés, emboîtant ainsi le pas à leurs homologues des pays occidentaux. Bon nombre de dessins à la Punch ont été concernés par la transition vers ces nouveaux médias. Ces images ont hérité du style des ukiyo-e satiriques de la fin de l'époque d'Edo ainsi que du style "kusazōshi" de la même période. Les espaces séparant les dessins des artistes étaient remplis de mots rédigés par des auteurs populaires. On pourrait même dire que les dessins à la Punch étaient le résultat de l'application d'un style conventionnel aux caricatures publiées dans les nouveaux médias comme les journaux et les magazines.

Kinkichirō Honda "Bon Memorial Service", July 27, 1878, Marumaru Chinbun issue 71, Marumarusha (1878)Source d'origine : -

 Les mots rédigés autour de nombreux dessins à la Punch l'étaient souvent avec une métrique syllabique 7/5 et sous la forme de jeux de mots désignés par le terme "jiguchi". Le but était qu'ils soient amusants à lire à voix haute.

Kiyochika Kobayashi "Asian Seafood", October 10, 1885, Marumaru Chinbun issue 513, Marumarusha (1885)Source d'origine : -

Les jeux de mots dans le texte étaient souvent reflétés dans les dessins. Par exemple, le terme japonais "kokkai", qui désigne la Diète nationale (le parlement japonais), était écrit de la même manière que le mot "kuroi kai" (et donc "kokukai"), qui désigne une coquille noire. Le Premier ministre Kiyotaka Kuroda était quant à lui désigné par le terme "Kurodako", qui signifie "pieuvre noire". Le seul moyen de comprendre le sens caché des images était de prononcer à voix haute le nom des choses dessinées. Il s'agissait en quelque sorte d'une énigme. 

Misei Kosugi "Insects army and our soldier", September 1, 1904, Senji Gaho issue 20 (1904)Source d'origine : -

La différence entre les mangas et les dessins à la Punch

      Ippyō Imaizumi a présenté ses œuvres lors d'une exposition de la "Hakuba-kai" (société du cheval blanc), un groupe composé de Seiki Kuroda (célèbre peintre au style occidental) et d'autres artistes. Ippyō Imaizumi cherchait apparemment à faire du manga une forme d'art, et plus précisément un genre de peinture. En fait, entre 1897 environ et l'ère Taisho, Misei Kosugi, Takeshirō Kanokogi et de nombreux autres peintres ont réalisé des mangas. Ils ont hérité de la croyance selon laquelle, contrairement aux dessins à la Punch (qui n'étaient considérés comme des œuvres terminées que s'ils étaient accompagnés de la prose d'auteurs populaires), une peinture réalisée par un peintre uniquement pouvait être considérée comme du manga. 

鹿子木孟郎《山縣大山の二侯爵》1904(明治37)年5月20日発行『時事漫画 非美術画報』第2巻より、山田芸艸堂 (1904)Source d'origine : Kawasaki City Museum

Beisaku Taguchi "Falling Between Two Stools", April 11, 1896, Marumaru Chinbun issue 1055, Marumarusha (1896)Source d'origine : -

La nature changeante des dessins à la Punch

 Les dessins à la Punch publiés dans les journaux et les magazines ont aussi commencé à changer dans la deuxième moitié de l'ère Meiji. En effet, la quantité de texte et de jeux de mots qu'ils contenaient a diminué. Les journaux et magazines cherchaient apparemment de plus en plus à publier des informations rapidement. L'accent a donc été davantage mis sur l'efficacité de la communication des informations et sur le besoin de contenu dont le sens caché pouvait être perçu visuellement en un coup d'œil (contrairement aux jeux de mots qui devaient être lus à haute voix et aux dessins-énigmes) afin d'en profiter facilement.

April 1, 1899, "Jiji Shinpō [Current Events]", the first manga drawn by Rakuten Kitazawa for the newspaper (1899)Source d'origine : -

Des mangas en accord avec leur temps

 En raison d'une part, de la vision artistique puriste selon laquelle, en tant que peintures, les mangas devaient pouvoir exprimer leurs idées sans avoir besoin de mots et, d'autre part, de la situation des médias, qui cherchaient à communiquer les informations plus efficacement, les mangas se sont transformés en caricatures qui ont remplacé les dessins à la Punch et qui étaient plus appropriés pour l'époque moderne. Après Ippyō Imaizumi, Rakuten Kitazawa, responsable des mangas pour le journal "Jiji Shinpō" (Événements actuels), a gagné en popularité grâce à la colonne "Jiji Manga" et est la première personne à avoir rencontré du succès avec des mangas.

Rakuten Kitazawa "Jiji Manga", January 12, 1902, Jiji Shinpō [Current Events] (1902)Source d'origine : -

August 3, 1895, Marumaru Chinbun issue 1022, Marumarusha (1895)Source d'origine : -

Des mangas avec une ou plusieurs cases

 Fait particulièrement intéressant, alors que la quantité de mots utilisés dans les dessins à la Punch diminuait, les journaux et les magazines ont commencé à publier des dessins de ce type qui comportaient plusieurs cases et qui visaient à exprimer des choses de façon humoristique. Ainsi, quand Ippyō Imaizumi a commencé à utiliser le mot "manga" pour désigner un genre, le terme englobait déjà les œuvres avec une seule case et celles en comptant plusieurs.

"Mokuyou Giga [Thursday's satirical cartoons]", August 24, 1899, Yomiuri Shimbun (1899)Source d'origine : The Yomiuri Shinbun

"Manga (Excerpt from a Foreign Newspaper)", April 27, 1891, Jiji Shinpō [Current Events], No. 3002 (1891)Source d'origine : -

Ippei Okamoto "Manga-style Forecast of 1915", January 5, 1915, Tokyo Asahi Shimbun (1915)Source d'origine : The Asahi Shimbun Company

Le potentiel des mangas

 Quand le mot "manga" a commencé à être utilisé au Japon, il englobait déjà les caricatures, les dessins humoristiques et les bandes dessinées. Par ailleurs, comme en témoigne la popularité de la prose des mangas d'Ippei Okamoto (composés à la fois d'images et de texte), les mangas constituaient une sorte de format "impur" duquel les mots ne pouvaient pas être complètement exclus. C'est ce même caractère "impur" qui a permis aux mangas de devenir un genre doté d'une formidable force expressive.

Ippei Okamoto "Watching Yachiyo Tondaya", March 16, 1915, Tokyo Asahi Shimbun (1915)Source d'origine : The Asahi Shimbun Company

Crédits : histoire

Texte : Hirohito Miyamoto(Université Meiji)
Révision : Nanami Kikuchi, Natsuko Fukushima+Yuka Miyazaki(BIJUTSU SHUPPAN-SHA CO., LTD.)
Supervision : Hirohito Miyamoto(Université Meiji)
Production : BIJUTSU SHUPPAN-SHA CO., LTD.

Crédits : tous les supports
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