Conception : Le Centre d'Art - Haïti
Le Centre d'Art - Haïti
Logo du Centre d'Art (2014), Archives du Centre d'Art et Archives du Centre d'ArtLe Centre d'Art - Haïti
Le Centre d’Art est une institution culturelle fondée en 1944 par DeWitt Peters et des artistes et intellectuels haïtiens dans un contexte de quête d’une identité proprement haïtienne liée au mouvement dit indigéniste.
Le Centre d’Art est reconnu pour être le protagoniste majeur de la "reconfiguration de l'univers de la création plastique en Haïti" (Carlo Celius). En 1945, il est au carrefour de la scène intellectuelle internationale.
Plusieurs générations d’artistes, issus notamment du milieu rural y trouvent des revenus et accèdent à une reconnaissance locale et internationale.
Le Centre d’Art devient un lieu de mixité sociale rare en Haïti et ouvre la voie à plusieurs écoles et mouvements artistiques (Foyer des Arts plastiques, galerie Brochette, Kalfou, Saint Soleil, Poto Mitan). Il est enfin à l’origine d’un fonds de création visuelle, patrimoine considérable, aujourd’hui conservé dans les collections privées et publiques, en Haïti et à l’étranger.
La naissance du Centre d’Art
Créé en 1944 sous l’impulsion de l’aquarelliste américain DeWitt Peters et de intellectuels et artistes haïtiens, le Centre d’Art a un rôle fondamental dans l’histoire de l’art haïtien. Cette institution, reconnue d’utilité publique en 1947, est mise sur pied alors qu’il n’existe pas encore de galeries en Haïti ni d’école publique d’art.
Premier Conseil d'Administration du Centre d'Art (1944), Archives du Centre d'Art et Archives du Centre d'ArtLe Centre d'Art - Haïti
Les fondateurs du Centre d’Art : DeWitt Peters, Maurice Borno, Albert Mangonès, Gérald Bloncourt, Jean Chenet, Raymond Coupeau, Georges Remponeau, Antoine Derenoncourt, Raymond Lavelanette et Philippe-Thoby Marcelin rejoints par Antonio Joseph, Philomé Obin, Rigaud Benoit et Adam Léontus
DeWitt Peters par Archives du Centre d'Art et Archives du Centre d'ArtLe Centre d'Art - Haïti
« (…) L’idée de créer un centre d’art me vint. (..) en effet, pour ce que j’en savais à ce moment-là, il n’y avait pas d’art en Haïti (…). C’est à peu près à ce moment que j’ai eu la chance de rencontrer quelques jeunes intellectuels haïtiens avec lesquels j’ai pu discuter de cette idée. La plupart d’entre eux venaient de rentrer de leurs études à l’étranger et possédaient par conséquent cette large vision et la compréhension des personnes qui ont voyagé. Ils furent tous enthousiastes. Mais bien sûr, il fallut bien plus que notre enthousiasme collectif pour faire de ce projet une réalité. »
DeWitt Peters « Haitian Art… How it all Started – Broadcast in 1952 over the Jamaican Radio”
Découverte d’artistes et brassage social
A la fois espace de formation des artistes, espace de conservation patrimoniale et galerie d’art, le Centre d’Art est un lieu de brassage social unique en Haïti : intellectuels, autodidactes, artisans et visiteurs étrangers de renom s’y sont croisés. Il permit la formation de plusieurs générations d’artistes renommés tels qu’Hector Hyppolite, Rigaud Benoit, Georges Liautaud, Wilson Bigaud, Préfète Duffaut, Jasmin Joseph, Edouard Duval Carrié, et fut à l’origine de l’émergence du courant dit naïf ou primitif à partir de 1945.
Sans titre (Croix) par Georges LIAUTAUD et Georges LIAUTAUDLe Centre d'Art - Haïti
Au cours de l’année 1953, alors que DeWitt Peters et Antonio Joseph passent aux abords du cimetière de la Croix des Bouquets, leur attention est retenue par de majestueuses croix en fer forgé ornant les tombes. Ils rencontrèrent leur auteur, Georges Liautaud, forgeron de son métier qui exécutaient notamment des gonds et des pentures de portes à partir de vieux barils de fuel métalliques récupérés dans les décharges. Après cette heureuse rencontre, Liautaud développa ses créations sur métal découpé et réalisé notamment une série de sculptures pluridimensionnelles. L’originalité de l’œuvre de Liautaud favorisé le regroupement en atelier de plusieurs apprentis qui deviendront des artistes notoires parmi lesquels les frères Louis Juste. C’est ainsi que le village artistique de Noailles vu le jour. Cette communauté fondée sur l’art du métal compte aujourd’hui plus de soixante-dix ateliers.
Notre promenade, Peters, Obin, Chenet allant à Carrefour par Philomé OBIN et Philomé OBINLe Centre d'Art - Haïti
« Environ six mois après l’ouverture du Centre d’Art, un évènement apparemment anodin se produisit : une peinture de Philomé Obin, artiste issu du Nord d’Haïti nous fut envoyé (…). Il apparut que cet homme avait peint toute sa vie, faisant fi des moqueries de la plupart de ses voisins et dont les deux ambitions avaient toujours été d’être un historien de son pays et un professeur de peinture pour la jeunesse. » « Que cette œuvre nous soit parvenue fut le coup d’envoi de ce qui, assez rapidement par la suite se développa en l’un des plus extraordinaires phénomènes artistiques des temps modernes – la découverte des primitifs haïtiens »
DeWitt Peters, extrait de « Haitian Art… How it all Started – Broadcast in 1952 over the Jamaican Radio »
Les Obin du Cap par Archives du Centre d'Art et Archives du Centre d'ArtLe Centre d'Art - Haïti
Outre le fait d’arpenter les provinces à la découverte de nouveaux talents, Peters se laisse convaincre d’ouvrir des relais du Centre d’Art en province. La première branche capoise, conduite par Philomé Obin ouvrit en 1945. Pas moins de quinze peintres de la famille Obin en sont issus et de nombreux artistes talentueux dont Sénèque Obin, le frère de Philomé ainsi que les frères Bottex s’y formèrent. C’est ainsi que naquit ce qu’on appela par la suite « L’école du Cap ». En 1947, des branches du Centre d’Art ouvrirent à Coridon, Port-de-Paix, Anse Rouge, Saint Marc, Bainet.
DeWitt Peters et Wifredo Lam (1946), Archives du Centre d'Art et Archives du Centre d'ArtLe Centre d'Art - Haïti
Sous la direction de DeWitt Peters entre 1943 et 1966, le Centre d’Art révèle de nombreux grands artistes, participe à des expositions internationales, accueille des personnalités de renom (André Breton, Wifredo Lam, René d’Harnoncourt du MOMA, Truman Capote, Jean Paul Sartre, Alfred Métraux, André Malraux,...) et permet l’obtention de bourses internationales prestigieuses comme pour Antonio Joseph à la Guggenheim Fondation en 1953 et 1957, Luce Turnier à L’Art Student League.
Philomé Obin présente son oeuvre à Paul Magloire (président d'Haïti 1950-1956) par Archives du Centre d'Art et Archives du Centre d'ArtLe Centre d'Art - Haïti
Les intellectuels et artistes étrangers, comme le critique cubain José Gomez Sicre en 1945 et le français André Breton en 1948, contribuèrent fortement à la valorisation et à la légitimation des peintres dits « naïfs » qui rencontrèrent par la suite un grand succès sur le marché de l’art international.
Adam et Eve par Rigaud BENOIT et Rigaud BENOITLe Centre d'Art - Haïti
Le Centre d’Art a été à l'initiative de la création du Musée d’Art Haïtien du Collège Saint Pierre, et à la réalisation des fresques murales de la Cathédrale de la Sainte Trinité. Un patrimoine important composé des œuvres capitales de la peinture et de la sculpture haïtienne et de documents d’une haute portée historique purent également être conservés grâce au Centre.
Vernissage au Centre d'Art à l'occasion du 3e anniversaire (1947), Archives du Centre d'Art et Archives du Centre d'ArtLe Centre d'Art - Haïti
Plus que la promotion du travail de ses artistes, le Centre permit également de poser les bases du marché de l’art haïtien. Des institutions internationales comme le Musée d’Art Moderne de New York se sont procurées des œuvres de peintres haïtiens à travers le Centre d’Art. Des galeries se mirent à voir le jour. Ainsi s’amorça un mouvement d’ensemble donnant forme à une activité économique qui prit de l’ampleur avec le développement du tourisme dans les années 1950-1960.
Studio N°3 - Vol. 1/N°1 (1946), Archives du Centre d'Art et Archives du Centre d'ArtLe Centre d'Art - Haïti
Le Centre d’Art fut aussi à l’origine du premier journal sur les arts plastiques en Haïti « Studio N°3 ». Le premier texte d’histoire de l’art haïtien publié par un auteur haïtien « Panorama de l’art haïtien » le fut par un des fondateurs du Centre d’Art, Philippe Thoby-Marcelin en 1956.
Francine Murat par Archives du Centre d'Art et Archives du Centre d'ArtLe Centre d'Art - Haïti
A la suite de DeWitt Peters, en 1965, Francine Murat prend la relève et pérennise la vision du fondateur. Elle fait vivre l’esprit du Centre malgré le contexte économique en déclin jusqu’à l’effondrement du bâtiment le 12 janvier 2010.
Le séisme du 12 janvier 2010
Le bâtiment du Centre d’Art, construction de style Gingerbread datant de 1914, s’effondre lors du séisme du 12 janvier 2010. La directrice du Centre d’Art décède quelques mois après le tremblement de terre, à l’âge de 92 ans.
Les réserves du Centre d'Art (2019), Archives du Centre d'Art et Archives du Centre d'ArtLe Centre d'Art - Haïti
La collection est remise au projet de Conservation et de Sauvetage des Biens Culturels (Ministère de la Culture – Haïti/Smithsonian Institution –USA). Un inventaire est réalisé et soixante dix neuf œuvres sont restaurées. Plus de 5000 œuvres ont pu être sauvegardées malgré l’état critique de certaines œuvres. La collection est restituée au Centre d’Art en 2012.
Le Centre d'Art remercie tous les artistes et personnalités qui l'ont fait vivre depuis 1944 et tout ceux qui continuent de lui donner une âme encore aujourd'hui.
Les textes sont issus des panneaux didactiques du Centre d'Art, conception Louise Perrichon Jean, 2014 et de l'article: "La renaissance du Centre d'Art", The art of Haiti, Loas, History, and Memory, Colorado Fine Arts Center at Colorado College, Louise Perrichon Jean 2017
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