Un coup de canon

Ce tableau de Berne-Bellecour évoque le siège de la ville de Paris, épisode de la guerre franco-allemande de 1870-1871, qui s'est déroulé entre le 20 septembre 1870 et le 26 janvier 1871. L'artiste relate ici un évènement qu'il a lui-même connu en tant que combattant engagé dans un corps franc, celui des tirailleurs de la Seine. Centrée autour d'une pièce d'artillerie de place, un canon de place de 24 en bronze sur affût et châssis, encore fumant du coup qu'il vient de tirer. La scène montre des artilleurs vêtus de leurs lourds manteaux boueux et de leur pantalon à double bande écarlate, observant les effets du tir tandis que les servants de pièce sont affairés autour du canon. Leurs silhouettes irrégulièrement alignées se détachent sur la ligne d'horizon. Le jeu équilibré des couleurs et des lumières autour de la fumée blanche sortant de la bouche du canon confère à l'oeuvre une atmosphère particulière. À l'arrière-plan, à droite, un canon de marine de 30 livres sur affût est positionné pour défendre la place.
La capitale dispose d'un ensemble de fortifications construites dans les années 1840 : un mur d'enceinte continu de 38 km, doté de 94 bastions, ainsi que 15 forts. Après le 4 septembre 1870 et la défaite de Sedan, les fortifications sont armées : environ deux cents pièces d'artillerie de marine sont ainsi acheminées dans le camp retranché de Paris en vue de soutenir le siège.
Ce tableau de Berne-Bellecour, signé et daté de 1872, est peut-être celui que l'artiste présente au Salon de 1872 sous le titre « Un coup de canon », qui vaut à son auteur un immense succès, une médaille de première classe et les compliments d'Émile Zola. L'oeuvre est louée pour son rendu réaliste, quasi photographique, dans le rendu des attitudes des soldats comme dans celui des matières (uniformes, gabions, terrain boueux). Comme le souligne alors un commentateur : « Le froid est général ; l'humidité du temps pénètre : on vit avec ces hommes sous ces manteaux mouillés ; leur intérêt et leur triste position font mal. ».