Arquebuse à rouet, vers 1610-1620 Vue générale

De l'ensemble des armes réalisées à l'usage personnel de Louis XIII qui soient parvenues jusqu'à nous, cette pièce élégante et précieuse apparaît comme une des réussites esthétiques les plus accomplies. Elle correspond à une commande du souverain dont elle porte l'emblématique, répétées à plusieurs reprises.
Le canon entièrement bleui est foré et taillé extérieurement en forme de trèfle ; sa ligne de visée, saillante et dorée, court depuis la bouche, agrémentée d'arabesques gravées et dorées, jusqu'à la culasse, cerclée d'un double filet sur lequel prend appui un ressaut gravé des armes de France et de Navarre sous couronne fermée. Le tambour du rouet, de dimensions réduites, retenu latéralement par une petite bride, s'allège d'une large gorge centrale. Les mâchoires du chien sont gravées pour simuler une tête de monstre ; le bassinet, de construction archaïque, dépourvu d'un système de renvoi, est actionné manuellement. Au centre du pontet de sous-garde découpé à jour se discernent deux « L » accolés surmontés d'une fleur de lys ; la plaque de couche est gravée de motifs feuillagés, guillochés et dorés. La contre-platine, ornée dans une technique décorative similaire, se sépare en trois branches pour dessiner une esse couchée soutenant une boucle close. La monture aux contours souples, façonnée dans un bois de pommier, offre une belle harmonie claire ; la crosse est triangulaire, taillée à pans surmontée d'une crête circulaire, et le fût animé de moulures et de filets délicatement travaillés.
Ce chef d'oeuvre dépourvu de marque ou poinçon est resté anonyme et, comme à l'accoutumée, les termes descriptifs de l'Inventaire ne traduisent qu'imparfaitement son originalité et son intérêt esthétique. Le travail du canon façonné aux contours d'un trèfle nécessite un arrière-plan technique très évolué et un savoir-faire professionnel qui semble peu habituel à l'époque dans ce secteur précis de la production française ; on observera cependant, qu'au numéro 57 de l'Inventaire est décrite, une arquebuse d'un faste étonnant portant l'inscription « j'ay été fait pour le Roy de France » sur laquelle le calibre, raffinement extrême, est percé en forme de fleur de lys. Traditionnellement, les arquebusiers germaniques sont spécialisés dans ce type de réalisations. Auguste Kotter, actif à Nuremberg entre 1616 et 1635 , l'un des inventeurs supposés de la rayure interne des canons [musée de l'Armée, inv. M 142], a mis au point de tels tubes dont l'âme dessinait un carré, un triangle, une étoile, voire même un hexagone ; ces pièces certes fonctionnelles, bien que nécessitant des projectiles adaptés à leurs profils, restaient très éloignées des usages courants et correspondaient à des objets de curiosité, de collection, de « cabinet ».
La préciosité de la monture, la réduction extrême des organes du mécanisme, le raffinement décoratif de l'ensemble, ne sauraient masquer l'éclectisme d'une inspiration associant les influences allemandes perceptibles dans le rendu des mâchoires du chien représentant la tête d'un monstre et le traitement de la sous-garde ajourée à la manière caractéristique des artisans brescians. À l'exemple de l'arquebuse à rouet, appartenant à la série des numéros 5 conservée au Victoria and Albert Museum (inv. 603.1864) d'une longueur de 1,22 mètre, les dimensions de cette pièce sont également celles d'une carabine de jardin ou d'une arme destinée à un adolescent et, replacée dans le contexte de l'Inventaire, sa chronologie doit être évaluée au regard même de son emblématique.