« Un bloc de sel qui a subi une averse », « une statue encore emballée », telle est la description que font les journaux de cette statue lors de son exposition en 1898 au Salon de la Société nationale des Beaux-Arts. La stupeur est si grande et les critiques si virulentes que la Société des gens de lettres, à l’origine de la commande et qui attend son achèvement depuis 1891, refuse de prendre possession de cette œuvre polémique et décide de se tourner vers le sculpteur Alexandre Falguière pour un monument plus consensuel. Ainsi Auguste Rodin meurt en 1917 sans avoir vu son Balzac réalisé en bronze.
Il faut attendre 1938 pour que, selon le souhait du Comité du Balzac de Rodin, la Ville de Paris accepte le don de la statue afin qu’elle soit érigée sur une place publique. Le 1er juillet 1939, le Balzac est enfin inauguré à l’angle des boulevards Raspail et Montparnasse.
Rodin a mis sept ans à concevoir cette œuvre, multipliant les études et les poses. Progressivement, il simplifie sa composition et retire les détails superflus pour parvenir au résultat actuel : une tête expressive semble jaillir du corps enveloppé dans le simple vêtement d’intérieur que l’auteur revêtait pour écrire. Le regard porte au loin, absorbé dans le monde de la Comédie Humaine, cet ensemble de 91 romans illustrant la société française de 1789 à 1848. « Une tête sur un bloc. Dans cette tête des yeux de vie et de génie […]. C’est la réalisation d’un état d’intelligence fixé à jamais dans [le bronze] ».