Grâce au mécénat de Gaston Lévy, Paul Signac parcourt de 1929 à 1931 cent ports français, dont il exécute des aquarelles réunies sous le titre « Ports de France ». En 1932, après avoir achevé cette série, il renonce à passer ses étés à Lézardrieux en Bretagne, et achète une maison à Barfleur, petit port de pêche normand sur la presqu’île du Cotentin. Signac apprécie dans ce lieu austère la compagnie simple des pêcheurs, ainsi que la côte rocheuse de ce cap normand battu par les vents. Des fenêtres de sa maison située derrière l’église, ouvrant sur le port à l’est et sur le phare de Gatteville à l’ouest, il observe et dessine la vie locale et surtout les allées et venues des bateaux.
S’il y multiplie les aquarelles indépendantes, le peintre exécute également des dessins préparatoires à des tableaux. Ce lavis à l’encre de Chine, étude pour la toile éponyme « Barfleur » (1931, collection particulière), présente ainsi une perspective englobant une vue du port au premier plan, l’église Saint-Nicolas, le cimetière, le bureau des douanes et, à l’extrémité du quai, un calvaire, rappel de l’importance de la religion dans la communauté des pêcheurs. Sous le lavis, la mise au carreau révèle la méthode adoptée par Signac dès 1907, de reporter ses grands dessins préparatoires sur la toile en cours.
Valérie Reis