et de les réunir sur des actions qui de-
vaient absolument être accomplies. Il
était profondément pacifique. Il avait
une démarche non violente. Ma nature
était différente: il était impossible que
quelqu'un me gifle sans que je lui rende
le coup. Je ne pouvais participer aux
manifestations, mais je faisais des
concerts et collectais des fonds.
- Selon vous, existe-t-il maintenant
un leader noir de pareille envergure aux
Etats-Unis
- Non, je ne crois pas. Je ne veux
pas laisser penser qu'il n'y a pas d'au-
tres grands leaders noirs. Il en existe,
mais pas de sa dimension. Je suis sûr
que vous connaissez Jessie Jackson, un
homme fantastique et un grand ami à
moi, un véritable ami, je veux dire. Mais
je ne suis pas sûr qu'il aurait pu faire ce
que le Dr King a réalisé. Martin Luther
King a été l'homme qu'il fallait, et au
bon moment
- En Afrique, il y a Nelson Mandela,
- Oui, c'est tout à fait juste. Je ne
l'ai pas cité car nous parlions des Etats-
Unis.
- Je suis un musicien. Telle est ma
conscience : j'ai la chance de pouvoir
jouer pratiquement n'importe quelle
forme musicale - et des choses très
différentes -, en particulier la musique
classique. Je l'ai étudiée à l'école : Bee-
thoven, Chopin, Rachmaninov, Sibe-
lius... Mais j'aime le jazz car on est libre,
on peut y mettre tout de soi-même et
faire tout ce qu'on désire. Je veux être
libre, totalement. Chanter quand ça me
plait
. J'apprécie tous les genres et sou-
haite y participer. C'est pourquoi j'ai eu
envie d'être accompagné par un grand
orchestre classique. Je refuse d'être en-
fermé dans un style.
LA CULTURE
De notre envoyée spéciale
humaine et son
E festival d'Antibes Juan-les-Pins
est sympathique par sa dimension
et son cadre naturel. La
pinede, bien que contenant jusqu'à sept
mille spectateurs, nous repose des lieux
géants et surpeuplés auxquels nous
convient d'autres organisateurs. Ici, la
scène est disposée en bordure de la
plage. Cette année, des gradins ont été
aménagés permettant une écoute plus
confortable
et une interview rapide mais décontractée. (Photo Jean-Philippe Arles.)
- Vous ne voulez pas d'étiquette...
- (Il claque dans ses mains.) Voila!
c'est le mot clé : pas d'étiquette.
- En concert, fobserve vos pieds : ils
ont un sens tres poussé du rythme...
- (En riant) : vous signifiez que je
tiens le tempo!
- Tout à fait. Vous êtes-vous intéressé
aux nythmes africains ?
- Je ne sais pas ce qui m'a in-
fluencé. Mais quelque chose en moi fait
que, si la musique est bonne, je suis
littéralement saisi, même quand je ne
me sens pas très bien. Je suis un être
humain et, comme tout le monde, il
m'arrive de n'être pas en forme certains
soirs. Mais, une fois que je me mets à
jouer et que le public me communique
cette sorte d'émotion, alors là, je sens
une vibration en moi. J'ignore d'où ça
vient et si cela a à voir avec mes racines
africaines : il y a sûrement un peu de ca.
et aussi plein d'autres influences.
tion d'un partenaire privé, le groupe
SARI-SEERI (bâtiment, conception et
aménagement) qui s'est engagé à soute-
nir son action durant trois ans.
Beaucoup de spectateurs, venus écou-
ter Bernard Lavilliers au départ, ont été
enthousiasmes par les invités sud-
africains : le groupe mixte Savuka et le
Les records de fréquentation ont été
chaur zoulou Ladysmith Black Mam.
gagnés par Ray Charles, Kid Creole and bazo. C'est sous le signe de cette soirée
anti-apartheid que s'est ouvert symboli-
the Coconuts et Sonny Rollins, dont les
prestations ont été magnifiques. Wayne quement le festival, le 16. Il s'est conclu
le 25 par une nuit dixieland, dédiée à
Shorter, joignant à ses compositions so
Jean-Christophe Averty.
phistiquées le lyrisme acidulé de son
Dignement soutenues par un quintet,
saxophone, a ouvert d'inouis horizons.
Le 22, à cause de la pluie, il a fallu se
les forces vives du groupe Manhattan
Transfer sont deux femmes, Cheryl Ben-
On vous donne un tuyau pour l'an
replier au palais des congrés, ou Uzeb
n'a pu se produire pour des raisons
tyne et Janis Siegel, et deux hommes,
prochain : abandonnez les sièges du
Alan Paul et le fondateur Tim Hauser :
techniques i sept cents auditeurs ont fi-
parterre et prenez place dans les pre-
dèlement suivi Chick Corea et Didier
quatre Blancs américains qui, de leurs
miers rangs des gradins, c'est là qu'on y
voix expertes, déclinent des styles tres
Lockwood et se sont régalés.
entend le mieux. Si vous grimpez un
divers et donnent un bain de jouvence
peu plus haut, vous avez vue sur la mer, Sur l'équilibre général de la program- aux classiques du jazz On a eu un vif
c'est agréable. A l'instigation de Verbes mation - d'excellente qualité re- plaisir à écouter Gloria.
d'Etats, un groupe de jeunes créateurs nouvelons le souhait qu'à l'avenir figure Leur succes, Birdland », écrit par
épris de métissages, les palissades entou- à l'affiche plus de nouveauté et davan- Joe Zawinul, a chauffe le public. Leur
rant la pinede ont été prises d'assaut partage de notre fine fleur hexagonale qui, répertoire puise notamment parmi les
des peintres et transformées en une mu- aux côtés des frères jazzy d'outre- compositions de Count Basie, Thad
raille chamarbe du jazz.
Atlantique, composerait un beau bou- Jones et Clifford Brown. Depuis une de
quet : on suggère Martial Solal, Barney
cennie, ils empilent les grands prix dis-
Wilen, le groupe de Louis Sclaviscographiques. « Vocalese », leur demier
Sixun, Jazz d'Echappement, Fa- album en studio, est remarquable. Le
cett"Vega, pour n'en citer que quelques- show, d'un professionnalisme irrépro-
,
chable, n'est jamais assommant. C'est
Sous l'égide de Norbert Gamsohn et
produite par la Maison du tourisme,
cette vingt-huitième édition de Jazz à
Juan >>, qui a rassemblé cinquante mille
spectateurs, a bénéficié de la participa-
uns.
Yeah! Ma maman était une
femme exceptionnelle. Je sais que tout
enfant trouve que sa mère n'est pas
comme les autres. Mais quand je me
souviens de notre passé, vraiment, je
pense qu'elle était admirable. Nous ha-
bitions dans une petite ville, et elle ne
pouvait consulter aucun pédiatre ou
psychologue. Elle n'était pas, comme on
dit instruite : elle n'était jamais
allée à l'université. Mais elle avait énor-
mément de bon sens. Le bon sens popu-
laire. Elle m'a
tout enseigné de la vie.
Grâce à elle, j'ai réussi. Elle savait ce
dont j'avais besoin, vu ma situation. Elle
savait ce qui était essentiel pour un en-
fant en train de devenir aveugle. Elle
m'a appris à être indépendant.
- Dans votre livre (2) vous avez
écrit : « Quand je dis que nous étions
pauvres, je veux dire Pawwe are un
grand P. Même comparés aux autres
Noirs de Greensville, nous étions tout au
bas de l'échelle, sur le dernier barrean.
Rien au-dessous de nous que la terre. »
La pauvreté vous a-t-elle donné une plus
grande conscience des problemes so-
ciaux
- Difficile à dire car, comme je n'ai
pas grandi dans une famille riche, je ne
peux comparer et savoir si la pauvreté a
développé ceci ou cela en moi. Ce qui
est sûr, c'est qu'elle m'a énormément en
seigné. J'en ai appris un sacré morceau
(il éclate de rire) ! Je sais comment sur
vivre sans rien, voyez-vous. Et si je suis
capable de survivre sans rien, alors je
peux assurément vivre avec un tout petit
peu !
Festival d'Antibes Juan-les-Pins
D'INOUIS HORIZONS
Propos recueillis
et traduits par Fara C.
(1) Développant son expérience symphoni
que, Ray Charles, en février 1986, collaborera
avec des orchestres symphoniques allemands,
français et anglais.
(2) Le Blues dans la peau , par Ray
Charles, traduit par Anne-Marie Garnier
(Presses de la Renaissance)
8 FESTIVAL DE JAZZ DE PARIS. Ste-
phane Grappelli ouvrira les cérémo-
nies le 31 octobre, fetant ses quatre
vingts ans, avec cinq de ses plus
brillants successeurs, Jean-Luc
Ponty, Dominique Pifarely, Didier
Lockwood, Pierre Blanchard et
Hervé Cavelier. Jusqu'au 8 novem
bre, Tania Maria, Arturo Sandoval,
grand retour de Jean-Luc Ponty au
Zenith, Ornette Coleman avec Don
Cherry : les Leaders, Paul Bley,
Jean-Charles Capon et Christian Es
coudé invitant Ron Carter: Daniel
Humair-Al Stars, Geri Allen, Barney
Wilen, Caraibe Jazz Ensemble, Eddy
Louiss Multicolor Feeling Orchestra,
Yochk'o Seffer et Siegfried Kessler :
Albert Mangelsdorff, Martial Solal,
la Jeune Philharmonie franco-
allemande et l'Orchestre de jazz
franco-allemand. On en reparlera.
SYLVAIN BEMBA, journaliste et mu-
sicologue congolais, présente sa
piece Qu'est devenu gnoumba, le
chasseur ? », une sorte d'enquête tri-
bale, mise en scène par Pascal
N'Zonzi. Jusqu'au 8 aout au théâtre
Tristan-Bernard, dans le cadre du
premier festival de théâtre africain
de Paris. Tél. : 42-93-65-36.
MICHAEL BRECKER, ce saxopho-
niste dont le talent est sans cesse
sollicité pour les séances de studio,
se produit jusqu'au 3 août au New
Morning. Outre les Brecker Bro-
thers, formé avec son frère trompet
tiste, il a codirigé Steps Ahead,
groupe phare dont les recherches so-
nores, au synthétiseur notamment,
demeurent de solides références. Le
saxophoniste revient à la musique
acoustique et à un idiome plus jazzy.
en remarquable compagnie : il a in-
vité Mike Stem, ancien guitariste de
Miles Davis. Du 4 au 10 août, la
trompette émouvante de Chet Baker.
Tél. : 45-23-51-41. WA
STAGE GRATUIT EN GRAND ORCHES-
TRE proposé par l'Orchestre national
de jazz, sous la direction
de François
Jeanneau, du 7 au 25 septembre, au
théâtre Jean-Vilar à Suresnes. Ins-
criptions: AFDAS, 20, rue Fortuny,
75017 Paris. Tél. : 42-27-95-93.
JAZZ IN MARCIAC (Gers), nuit de
gospels le 11 : Guy Lafitte Quintet
le 12; Lionel Hampton Big Band
le 13; Art Blakey Jazz Messengers
le 14: soirée traditionnelle le 15:
Benny Waters, Claude Luter... :
Marciac New Odeans Jazz Fanfare
le 16. Tél. : (16) 62-09-38-03,
62-09-33-33.
parsemé d'humour et ça swingne énor-
mément. Les spectateurs ont fait une
ovation à Manhattan Transfer : le tam-
bourinement des pieds sur les planches
a résonné dans la pinede.
Passant après ces acrobates de la vo-
calise, le vétéran Cab Calloway n'a pas
réussi à les égaler. Il aurait mieux valu
qu'il se produise en première partie. Sa
performance est apparue un peu defrai-
chie, quoique de bonne tenue. Sa fille
Chris le relayait, ainsi que deux excel-
lents danseurs noirs, les Williams Bro-
thers.
Le lendemain, deux monstres sacrés,
Ray Charles et Sarah Vaughan, perpé-
tuaient l'hommage au jazz vocal. Sarah
Vaughan, grande dame aux formes épa-
nouies, drapée de voiles orange et rose,
évolue sur scène avec une force tran-
quille. Diva et divine comédienne, elle
aurait pu nous dispenser de quelques
caprices agaçants (à l'encontre des pho-
tographes et de l'ingénieur du son) qui
cassent la progression du spectacle. Son
chant nous a néanmoins captivés, au fil
d'infinies variations tonales et de su-
perbes jaillissements
F. C.
L'HUMANITÉ/MERCREDI 29 JUILLET 1987-21
A CREST (DROME), Jean-Pierre Lla-
bador le 4 août ; Ray Lema le 5,
films de jazz le 6: Dee Dee Bridge-
water le 7: Touré Kunda le 8. Tel.:
(16) 75-25-09-07.
A DOUARNENEZ du 8 au 10, avec,
entre autres, six groupes régionaux ;
Claude Nougaro, Pierre Michelot,
Lassus, Maurice Vander, Eric Luther
et Cyril Jazz Band le 9Eric Lelann
Quartet, Big Band Sellin et projec-
tion du film Autour de minuit,
le 10. Tel.: (16) 98-92-15-44.
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