PAULETTE & PATRICIA COQUATRIX
SOCIETE EM HOT COLLECTIE
SPECTACLES
Le missionnaire
de Bahia
Gilberto Gil met sa vie en accord
avec sa musique. Un résumé du Brésil.
STROMME/STILLS
I a une voix sinueuse, un visage plat
comme une lune et vingt-cinq ans de
succés. Les Brésiliens le considèrent
comme « uma instituição ». Un monu-
ment. Il se déplace jusqu'à nous. Gilberto
Gil sera à l'Olympia, du 12 au 16 sep-
tembre. En prime, il livre son nouvel
album (le 26), au titre en clin d'ail : « O
Eterno Deus Mu dança >>: hymne au dieu Mu
qui danse, hymne au changement. Au som-
maire quelques chansons au tempo reggae,
« Baticum », enregistré avec Chico Buarque,
et «Um samba provocação », un sommet;
une vraie samba de carnaval, dont le rythme
vous passe directement « pelos pés », droit
dans les pieds
Gilberto Gil, c'est la rencontre de l'impulsif
et du sophistiqué. Il incarne le Brésil, celui de
Salvador de Bahia. Sa ville natale. La terre
des premiers esclaves. le sourire des Brésiliens.
le paradis tout court. Il s'en réclame. Depuis
quarante-sept ans, il exporte son pays avec un
zele de missionnaire. Car il est né musicien,
bien sur
le 8 Septembre 89
A 3 ans, il tapait sur des tambours. A 7, il
découvrait la trompette. A 8. il demandait à
sa mére un accordéon. Puis il entend, à la
radio. «Chega de saudade >>, de João Gil-
berto. Foudroyé. Il läche tout pour une gui-
« Je suis noir.
Et j'aime ça.»
tare et compose ses premières bossas-novas.
Son père s'énerve : « Étudie la gestion ! » Oui,
papa. Il écoute les Beatles, rencontre Caetano
Veloso et sa scur, Maria Bethania. A 24 ans,
il abandonne son métier de comptable et
s'installe à Rio. La pop music est dans l'air.
Gil s'en inspire pour composer Domingo no
parque » (« Dimanche au parc »), le premier
succès d'un mouvement bref mais explosif : le
« tropicalisme ». Qu'est-ce que c'est ? « Un
vent d'ouest, dira-t-il. L'ouverture du Brésil
au monde extérieur. >> Sur scène, Gil se
commet en collants blancs et tunique
indienne. Il chante: «Le rock'n'roll est notre
époque, yé yé yé. Les jeunes l'ovationnent,
les militaires hurlent à la décadence. Et l'arrê-
tent: trois mois de prison. Puis l'exil. Gil
choisit Londres pour les Rolling Stones, y
perd quelques kilos. chante la saudade
(nostalgie) et s'imprègne de rock.
On lui reproche de polluer la tradition bré-
silienne. Il riposte : « Je m'en fous. » Et le
prouve en intégrant le juju nigerian, le hard
rock, le funk. En mélangeant les rythmes du
Nordeste avec le son de Bahia, le frevo avec la
samba. « Nous sommes tous cousins », dit-il,
Il chante avec Stevie Wonder et Jimmy Cliff
Avec Fela et Chico Buarque. Avec Baden
Powell et Vinicius de Moraes. Il alterne gui-
tare électrique et guitare acoustique : «La dif-
férence n'est que psychologique.»
De fusion en mixage, il reste Gilberto Gil.
« Une formidable usine musicale », résume
Caetano Veloso. Un précurseur, un talent. un
compagnon qui jalonne, à coups de tubes.
l'histoire de son pays. « Back to Bahia », pour
le retour aux sources: «Expresso 2222 », qui
évoque la défonce, la misère, la répression:
«O sonho acabou », qui clame: «Le rêve est
fini », et enterre les seventies.
Gilberto Passos Gil Moreira (de son vrai
nom) est aussi militant, récemment recyclé en
avocat de la cause noire. «Ma famille. des-
cendant d'un esclave qui avait acheté sa
liberté, a réussi. Un negre qui s'en sort bien
passe, ici. pour un Blanc. >> Entre une mère et
une grand-mère institutrices, et un père
médecin, le petit Gil fréquente les meilleures
écoles et perd donc son identité. En 1975, il
déclare : « Je chante sans arrière-pensées. Je
ne fais pas de politique. » En 1977, il voyage
en Afrique. Ça donne << Refavela » et une
prise de conscience : «Je suis noir. Et j'aime
ça. Depuis, il ne s'est pas démenti. Il
compose Raça humana» et « Touche pas à
mon pote ». Déclare sans violence : « Quand
la sérénité revient apparait la négritude.
En 1987. il s'est présenté à la mairie de Sal-
vador. Naïvement. On l'a vu troquer ses bou-
bous africains contre une cravate, fréquenter
des politiciens véreux, affronter des pro-
blèmes de tout-à-l'égout... Aucun parti ne l'a
soutenu. En 1988. il a été élu conseiller
culturel de la ville. Il s'attaque à la restaura-
tion de son quartier natal. San Antonio.
défend les églises et l'éducation des enfants.se
bat pour sortir les favelas de la déche. Les
mauvaises langues ont prédit que sa musique
en souftrirait. Elles ont tort. Allez voir.
Marylène Dagouat
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