PORTRAIT
du mois
26 kaële
Hoping to see you
En breve
Zesha
Plus que jamais la musique
n'aura été liée à l'histoire du Brésil. Gilberto Gil actuel ministre de
la culture du gouvernement présidé par Luiz Inacio "Lula da Silva, en est l'illustration parfaite.
Cet été pendant ses vacances, l'ancien "tropicaliste" des années soixante est parti en tournée,
offrant au public un show brésilien aux influences universelles. L'image d'un ministre aux
ongles de guitariste, à la coiffure rasta, interpelle l'Europe du jazz, de l'altermondialisme
et des Droits de l'Homme. Et de nous interroger sur le conformisme de nos sociétés,
dans lesquelles codes et signes figent les relations des citoyens avec l'Etat.
Après la Chine, l'année
2005 en France mettra
à l'honneur le Brésil. Ce
pays dont la superficie représente
plus de quinze fois celle de la France,
et deux cent fois celle de la Suisse, ve-
hicule un flot d'images contrastées,
paradoxales et souvent chargées de
stéréotypes. Du carnaval de Rio, aux
enfants de la rue, de la chirurgie es-
thétique aux violences urbaines, des
paysans sans terre aux footballeurs
richissimes, le Brésil fascine et de
route. Gigantesque ile tropicale de
couverte par le navigateur portugais
Pedro Alvares Cabral en 1500, elle
n'a cessé, dès lors, de chercher dans
le miroir de l'histoire un reflet qui
prenne sens. Comme l'autre géant
américain, le Brésil naquit d'une
mère avide et cupide. Mais elle por-
te, aujourd'hui, l'espérance de tout
un continent et tente de prouver
qu'une autre politique est possible
face au modèle économique de son
voisin nordiste.
Gilberto Gil
Rencontre avec Fabien Franco
LE MINISTRE BRÉSILIEN PRÔNE LA DIVERSITÉ CULTURELLE
Après Bob, John... Gilberto
Gilberto Gil dont la peau affiche l'histoire
d'une population, est né à Bahia, porte
d'entrée des esclaves en provenance d'Afri-
que dès le XVIe siècle. Symbole d'un renou-
veau politique au Brésil, l'actuel ministre de
la culture, a profité de ses vacances d'été
pour chanter sa bonne parole. Aux Nuits
de Fourvières à Lyon, ce 23 Juillet, il chante
en portugais, en français, en espagnol, en
anglais et n'hésite pas à haranguer le pu-
blic, communauté brésilienne en tête, sur
les inégalités sociales, raciales. Métissage,
antiracisme, ouverture aux cultures étran-
gères, le ministre reprend des standards de
la pop (Imagine de John Lennon), du reg-
gae (No woman no cry, Could you be loved
de Bob Marley), s'assurant l'enthousiasme
du plus grand nombre. Si le concert perd
de sa cohérence musicale, le "polimusi-
cien" quant à lui gagne des voix, sensibilise
les fans aux problématiques mondialistes.
Lorsqu'on lui demande pourquoi l pulse
dans le répertoire du rebelle jamaicain, se
positionnant en tant que leader des masses
noires brésiliennes pauvres et méprisées,
il répond dans un français maîtrisé le re-
BRÉSIL: LES CHIFFRES CLÉS
SUPERFICIE: 8 547 miles de km/POPULATION: 1724 milions /PRIX NET BRUT 5289 mds de
dollars (2001)/PRIX NET BRUT/HAB.: 3070 dollars (2001)/CROISSANCE: 15 % (2001)/BUDGET
EDUCATION 4,6 % du PNB / SERVICE DETTE: 75,4 % des exportations/ MORTALITÉ INFANTILE:
31 pour mile naissances/ESPÉRANCE DE VIE : 68.3 ans/INDICE de DEVELOPPEMENT HUMAIN:
73e rang mondial sur 173 pays/BUDGET DEFICITAIRE : 8 800 milions de dollars (2001/ARMEE
287 600 actifs et 1 300 000 vistes
Sources: worldbankorg/undp.org/iss.org (2000/2001)
ggde possède un rythme extraordinaire, les
mélodies de Bob Marley me plaisent énorme
ment. Cette musique originale qui nous vient
d'une ile des caraibes et qui s'est propagée a
travers le monde, prouve que l'art n'a pas de
frontière. L'amour de l'art est le principal mo
teur qui motive mes choix musicaux. Le reste
ce sont les conséquences produites par l'art!
Et de préciser la musique peut faire pro-
gresser la société à travers son influence sur
la psyché, l'ame des gens, sur l'art de vivre.
Elle est une émanation naturelle de la vie."
Caetano Veloso n'écrit-il pas dans Verdade
tropical à propos de son ami Gilberto Gil
"le petit bourgeois bossanovista de 1963 al-
lait incarner, pour les blocos afros (groupes
afro-bahianais des années 80 et 90), l'héritier
de Bob Marley, le défenseur de son peuple."
Et il prolonge, révélant encore une fois ce
lien tenu entre musique et civisme chez
Gilberto Gil a la fin des années soixante,
en partie sous l'influence de Jimi Hendrix
Gilberto Gl adopta le masque de l'Homme
noir conscient de sa race, et ce nouveau per
sonnage revela la douleur et la fierte laten-
tes sous son indifférence apparente. Deux
concerts en Europe cet été auront suffit
pour l'éloigner un temps des taches mi-
nistérielles
sans totalement rompre le lien
avec les affaires politiques. D'ailleurs com
ment pourrait-il en etre autrement, quand
à la conférence de presse, les questions des
joumalistes s'adressent indistinctement au
ministre et au musicien ? Avec Gilberto Gil,
nos repères sont brouillés, peu habitués
que nous sommes à rencontrer un ministre
aux balances d'un concert.
rée aussi bien par la tradition brésilienne
que par la pop anglo-saxonne. L'avènement
de la dictature qui ne voit pas d'un bon oeil
cette ouverture à toute une infinité d'in-
fluences, condamnera le musicien à l'exil.
Accompagné de son aml Veloso (avec le
quel il connut deux mois de prison avant
leur expulsion du Brésil), il vivra à Londres
où il aura l'opportunité de travailler avec
des groupes comme Pink Floyd, Yes ou Rod
Stewart, entre autres.
téger la diversité culturelle. Dans le cadre de
FOMC, nous pensons que la libre circulation
des biens culturels doit étre encadrée par des
accords spécifiques. Nous ne sommes pas
seuls à penser cela, un grand nombre de pays
soutient cette action. Des pays en vole de de
veloppement mais aussi des pays européens
comme la France ou l'Espagne. C'est la posle
tion adoptée officiellement par le Brésil main-
Tenant. Comment trouver un juste équilibre
entre préservation d'une identité nationale
brésilienne et ouverture sur la diversité ?
Au Brésil, le marché officiel du disque est
contrôlé à près de 95% par les majors et re-
layés par ces mêmes groupes médiatiques
qui ont donné à Gilberto Gil sa célébrité. Le
ministre précise alors que son pays compte
plus de cent labels indépendants". Et poursuit
W nous appartient de soutenir les initiatives
novatrices de ces petits labels, ainsi que la di
versité de leurs projets. Nous sommes en train
de réfléchir à la création d'une agence natio
nale pour la musique comme nous mettons en
place actuellement la création d'une agence
nationale pour l'audiovisuel afin de réglemen-
ter toutes la chaine de production." Il n'oublie
pas de soulever le problème de la piraterie
informatique c'est une question qui affecte
industrie et qui demande d'y réfléchir au ni.
veau international. Avec une discographie
qui totalise plus de soixante-cing albums,
on comprend que le ministre saltimbanque
se sente concerné par ce problème.
IDÉAL ESTHÉTIQUE
ET PRAGMATISME POLITIQUE
L'homme tiraillé entre sa soif d'absolu et ses
projets politiques ne semble pour le moins
pas être en conflit avec lui-même. Son par
cours de vie témoigne d'un long chemine-
ment qui, des années soixante aux années
2000, a démontré une maturité consciente
des enjeux sociaux et politiques du monde
qui l'entoure. Pourtant, lorsque nous linter
rogeons sur cette apparente cohabitation
"pacifique" entre son idéal esthétique et le
pragmatisme politique imposé par la fonc
tion ministérielle, il rétorque par une mé
taphore "Le projet de vie d'une famille nous
apprend le pragmatisme de la réalité. Il faut
gérer sa femme, ses enfants. Au ministère, c'est
la même chose ? Avant d'occuper ce poste au
gouvernement, je savais ce à quoi j'allais étre
confronté. Je n'ai pas été tellement surpris. La
gestion politique se rapproche de la gestion fa
miliale, ou encore de la gestion d'une carrière
artistique.
"Tee français Pop tropkeet Revolution for la
RETOUR DANS LE PASSE
A huit ans, il apprend à jouer de l'accordion MUSIQUE ET POLITIQUE :
qu'il abandonnera pour la guitare apres LA LIAISON FRUCTUEUSE
avoir découvert le son bossa nova de Joao Gilberto Gil s'exprime avec les mains et les
Gilberto à la radio. Après des études de ges- yeux. Il incarne une autre politique, celle des
tion à l'université de Bahia, il travaille pour pays du sud, des pays pour lesquelles crois-
une multinationale qui fabrique des sham- sance signifie développement, et mondiali-
pooings et de la lessive. Cest l'émission té sation rime avec soumission. Mais Gilberto Raizes Associação para a Linguae
lévisée "o Fino da Bossa" (TV Record, 1966) Gil ne veut pas de cette mondialisation-là,
animé par Elis Regina qui mit un terme à et ne tergiverse pas quand il s'agit d'aborder a Cultura Brasileira Rue des Savolses 15
ses boulots alimentaires en le rendant po- l'homogénéisation de la culture Induite par 1205 Genève tel./fax 022/321.00.40
pulaire auprès d'un large public. L'engage- les accords de l'OMC sur la marchandisation admin@raizes.ch
ment politique de Gilberto Gil s'affirme avec des biens culturels. Je soutiens en tant que Attention, l'association est composée de bénévo
la naissance du Tropicalismo. Aux côtés de ministre de la culture du gouvernement brées, il n'y a pas de permanence téléphonique mais
Gal costa, Maria Bethania et Caetano Veloso, silien l'initiative de UNESCO pour la création vous pouvez lakser un message.
Gilberto Gil composera une musique inspi- d'une convention internationale visant à pro-
bo 200 katle 27
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