Dans les années 1960 et 1970, on assista à un phénomène surnommé « dématérialisation » de l'objet artistique, les mouvements les plus importants de l'époque préconisant en effet des œuvres qui économisaient les supports et habituellement centrées sur une idée ou un concept, plus que sur l'objet lui-même. À l'inverse, les débuts des années 1980 se caractérisèrent par un retour aux traditions, aussi bien en peinture qu'en sculpture. C'est durant cette période, après deux décennies de domination de l'esthétique de l'art minimaliste et conceptuel, que Julian Schnabel joua un rôle essentiel dans la naissance de la peinture néo-expressionniste aux États-Unis, avec un coup de pinceau gestuel et le choix de thèmes figuratifs qui changèrent radicalement l'orientation de la peinture.
En 1987, Schnabel se lance dans des travaux centrés sur le mot écrit et les noms propres. Les premières compositions de cette série supposent un tournant iconographique dans lequel les excès et la narration picturale caractéristiques de son œuvre antérieure sont abandonnés, remplacés par un dépouillement délibéré et une référence linguistique oblique. Dans cette série, Fakirs (Fakires) marque le retour à une palette plus riche et à une surface plus feuilletée et plus expressionniste que ses premières œuvres autour des mots. Le mot fakirs est griffonné en diagonale, en référence aux mystiques soufis, traditionnellement associés à l'ascétisme et aux prouesses de résistance extrême ou de mortification corporelle. De l'avis de Kevin Power, « Le mot suggère l'identification de Schnabel avec tous ceux qui souffrent pour nous, la douleur qui nous accompagne inévitablement dans le monde. Cette œuvre est imprégnée d'humanité tachée et transmet l'inutilité des gestes du fakir, mais le triomphe de l'individu taché de sang subsiste. Le sentiment de sacrifice fait partie intégrante du sacré et l'image est un puissant vecteur de signification ».