Connue pour son regard énigmatique et ses larmes qui coulent depuis plus d’un siècle, la tête de reliquaire fang est devenue emblématique des collections du MEN. Elle a été collectée par le missionnaire catholique Henri-Louis-Marie-Paul Trilles (1866-1949), membre de la Congrégation du Saint-Esprit, envoyé au Gabon dès 1893. Il parcourt largement le territoire entre 1893 et 1898 et participe de 1899 à 1901, à une mission de reconnaissance de la côte atlantique aux frontières du Cameroun. Après cette expédition, il retourne en France en 1901, rapportant cette pièce qu’il vend la même année au Musée. La tête de reliquaire appartient au culte du byéri, dédié aux défunts du lignage. A travers une pratique funéraire spécifique, l’esana, les êtres accomplis acquièrent le statut d’ancêtre et intègrent la généalogie familiale. Ainsi, leurs crânes, seuls éléments conservés de leurs dépouilles sont traités et récoltés pour rejoindre ceux de leurs prédécesseurs dans une boîte cylindrique d’écorce cousue. De cette manière les ancêtres occupent une place dans la communauté des vivants et imposant des règles de comportement précises qui garantissent l’harmonie au sein de la communauté. Leur apprentissage ainsi que celui de la généalogie familiale sont acquis par les jeunes lors de l’initiation. A cette occasion, les reliquaires quittent la pièce réservée dans la maison du chef de clan pour être dévoilés en brousse. Les calottes crâniennes sont sorties, identifiées et les exploits de leurs propriétaires récités. La statue gardienne du reliquaire devient un acteur à part entière de la cérémonie. Selon le missionnaire, ces reliquaires peuvent contenir jusqu’à une vingtaine de crânes et les sculptures qui les chapeautent sont entourées de la plus grande attention. Ainsi, « chaque matin, la statue est ointe d'huile de palme par la première femme. Le coffre ne doit jamais être ouvert devant les femmes, enfants et jeunes gens non initiés encore au culte du Biéri. C'est la principale divinité [fang]". » (liste manuscrite d’Henri Trilles) La boîte qui accompagnait la sculpture n’a pas été jointe à l’envoi car trop endommagée ; elle contenait une douzaine de crânes.