Sur le corps recroquevillé d'un homme vêtu d'une épaisse robe de bure, une femme nue s'étire avec sensualité. Le visage contre le sol, le moine embrasse frénétiquement la croix pour échapper à la tentation de la chair. La tradition raconte que saint Antoine, retiré dans le désert, était hanté par la vision de femmes tentatrices. L'épisode de la vie de l'ermite ne semble cependant qu'un prétexte pour Auguste Rodin. Le sculpteur a joué sur l'opposition entre le corps fermé et tourmenté du saint et le corps nu de la femme voluptueusement renversée et offerte. Le religieux est presque totalement dissimulé sous son vêtement grossier, la tête couverte de la capuche. Les plis du vêtement témoignent de sa tension, les traits du visage pressé sur la croix de son combat intérieur. La femme est un corps lumineux sans âme. Les différents traitements du marbre, qui sont comme un rappel des étapes de la création, renforcent cet antagonisme. Sur la terrasse à peine dégrossie, presque brute, Rodin a rendu la rugosité de l'étoffe de laine - et du personnage - par les traces d'outil. Le poli du marbre blanc, jouant avec la lumière et les courbes, est réservé au corps de la femme.