"Un grand peintre est né à la France..." Thiers salue ainsi l'envoi de la Locuste de Sigalon au Salon de 1824.
Le jeune artiste, formé à Nîmes auprès de Monrose, puis à Paris dans l'atelier de Guérin à partir de 1817, s'était distingué en exposant au Salon de 1822 La Courtisane, achetée par le Louvre. La qualité de ce premier envoi le situe aux côtés de Delacroix comme un des espoirs de la peinture romantique.
Le sujet de Locuste lui fut inspiré pendant la représentation du Britannicus de Racine par ces vers de Narcisse à Néron : "Seigneur, j'ai tout prévu. Pour une mort si juste / Le poison est tout prêt ; la fameuse Locuste / A redoublé pour moi ses soins officieux ; / Elle a fait expirer un esclave à mes yeux, / Et le fer est moins prompt à trancher une vie / Que le nouveau poison que sa main me confie".
La scène a lieu dans une caverne où le jour arrive à peine. Narcisse, assis, contemple l'agonie du malheureux esclave sur lequel la sorcière a fait l'expérience du poison qui doit délivrer Néron de Britannicus.
Vieille, décharnée, Locuste, debout à ses côtés, désigne sa victime agonisante et vante à Narcisse son filtre mortel. L'intensité dramatique est accentuée par la lumière conduisant le regard dans un mouvement tournant pour éclairer le corps arc-bouté de l'esclave et son visage aux yeux révulsés.
Le tableau suscita des commentaires élogieux et passionnés : on souligna l'expressivité de la scène, sa composition simple et bien conçue, la vigueur de l'exécution, la justesse des attitudes.
Révélation du Salon de 1824, la Locuste fut achetée par le banquier Laffitte, puis échangée contre un autre tableau de Sigalon, sa femme n'ayant pu supporter la cruauté d'une telle représentation. En 1829, le peintre entreprit des démarches auprès de sa ville natale pour la faire acheter. L'acquisition fut faite en 1829, le musée conserve également une étude préparatoire de l’œuvre et d’autres œuvres de cet artiste.