Le tableau représentant Marguerite Deurbroucq et son esclave est une composition riche et complexe, plus originale que celle représentant son mari.
Marguerite Deurbroucq est née Sengstack, à Nantes, le 5 février 1715. Elle est issue d’une famille aisée, impliquée, du côté paternel, dans des réseaux commerciaux bien implantés en Allemagne et en Europe du Nord, et du côté maternel, dans le commerce fluvial et l’armement maritime. Elle épouse Dominique Deurbroucq le 5 février 1743, à Nantes.
Au premier plan, Marguerite regarde le spectateur, faisant comprendre qu’elle est le sujet principal de l’œuvre. Elle est habillée d’une robe à paniers au corps baleiné, parsemée de dessins évoquant son goût pour les textiles importés des Indes. Ces toiles de coton imprimées, nommées indiennes, sont interdites à la vente et au port dans le royaume de France à cette date.
Son vêtement, la vaisselle en porcelaine ainsi que la boisson exotique, laissent deviner une femme de goût. La représentation du perroquet, un gris du Gabon, perché à sa gauche sur le fauteuil Louis XV, est synonyme d’exotisme et de beauté et symbolise l’Afrique.
L’esclave, représentée à sa droite, a le regard perdu vers l’extérieur du tableau. Peinte dans une posture digne, le soin apporté au dessin de ses traits fait d’elle une personne à part entière, sans pour autant attirer toute l’attention sur elle. Elle porte un collier rappelant celui des esclaves, bien que celui-ci semble être composé de perles sur un tissu. Elle est une femme de l’âge de Marguerite, et sa peau métissée contraste avec la blancheur de celle-ci. En Europe, la représentation des esclaves en peinture, aux XVIIe et XVIIIe siècles, privilégie de jeunes esclaves, au teint bien plus foncé que celui de l’esclave de Marguerite Deurbroucq. Ces différents aspects de représentation laissent suggérer une relation particulière entre elle et sa maîtresse. En apportant le sucre, produit des Antilles, à sa maîtresse, elle symbolise les colonies françaises en Amérique. Le tableau représente ainsi le commerce négrier atlantique, avec, pour symbole de l’Europe, Marguerite Deurbroucq elle-même.
Ce portrait complexe est composé à une époque qui voit se diversifier le portrait féminin, laissant apparaître la femme d’esprit. Quel fut le rôle de Marguerite Deurbroucq auprès de son mari ? Peu de documents permettent de le connaître. Mais cette représentation montre qu’elle a dû avoir son importance.