Connu avant tout pour ses talents de paysagiste et son rôle fondateur dans l'école de Barbizon, l'auteur de l'Angélus et du Semeur, Jean-François Millet (1814-1875), a peu pratiqué le genre du portrait, qui correspond essentiellement à une production de jeunesse. Originaire de Cherbourg, c'est auprès de ses premiers maîtres et en fréquentant le musée municipal que Millet s'initie à l'art du portrait. De retour de Paris, où il est parti se perfectionner, il peint ses premiers portraits, ceux de sa jeune épouse, Pauline Ono, et de son entourage, mais aussi de notables locaux. À la mort prématurée de sa femme, il quitte Cherbourg pour s'installer au Havre, en quête d'une nouvelle clientèle.Le Portrait de Charles-André Langevin appartient à la série de figures de personnalités havraises que Millet peint durant l'année 1845. Inspecteur des douanes, puis chef des services douaniers du port, Langevin est représenté ici dans son activité probablement plus flatteuse d'amateur d'art. En commandant son portrait à Millet, Langevin allait enrichir sa collection d'une œuvre maîtresse. Cette collection, léguée en 1902 par sa veuve, comprenait pour l'essentiel des objets décoratifs, porcelaines, faïences, bronzes, émaux, meubles, mais peu de peintures.Langevin est représenté avec en mains une édition de La Baigneuse, dite aussi Nymphe qui descend du bain, du sculpteur Étienne Maurice Falconet (1716-1791), et devant un memento mori composé d'un petit canthare étrusque et d'un crâne. Tant par la pose du personnage, celle un peu maniérée des mains, que par la tonalité chaude des coloris, Millet s'inscrit ici dans une double tradition, celle des portraits vénitiens, mais aussi celle des portraits de sculpteurs de la Renaissance.Au moment où il quitte Le Havre, où il n'a passé qu'une année, l'artiste met fin définitivement à sa carrière de portraitiste.