Carla Lonzi
l'oppression, Hegel en fait le moteur de l'oppression même :
la différence des sexes en vient à constituer la base naturelle
métaphysique tant de l'opposition que de la reunification des
sexes. Hegel place dans le principe féminin l'a priori d'une
passivité où s'annulent les épreuves de la domination
masculine. L'autorité patriarcale a tenu la femme en état de
sujétion et la seule valeur qu'elle lui a reconnu c'est de s'être
adaptée à cette sujétion comme à une nature propre.
En parfaite cohérence avec la tradition de la pensée
occidentale, Hegel estime que, de par sa nature, la femme
en est à un stade auquel il attribue toute la résonance
possible, mais tel qu'un homme préfèrerait ne jamais être né
plutôt que d'y être tenu.
Dans la manifestation de la femme comme "éternelle
ironie de la communauté", nous reconnaissons la présence
de l'instance féministe en tout temps.
Chez Hegel coexistent les deux positions suivantes :
l'une qui voit le destin de la femme lié au principe de la
féminité, l'autre qui découvre dans le serviteur non plus un
principe immuable, une essence, mais la condition humaine
concrétisant dans l'histoire la maxime évangélique : « Les
derniers seront les premiers. » Si Hegel avait reconnu
l'origine humaine de l'oppression de la femme, comme il a
reconnu celle de l'oppression du serviteur, il aurait dû, dans
ce cas aussi, appliquer la dialectique serviteur-
maître. B
alors il aurait affronté un sérieux obstacle : en effet, si la
méthode révolutionnaire est apte à saisir les passages de la
dynamique sociale, il ne fait pas de doute que la libération
de la femme ne peut se couler dans les mêmes schémas : sur
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Carla Lonzi
le plan femme/homme il n'existe pas de solution qui élimine
l'un des deux termes et, partant, s'effondre l'objectif projeté :
la prise du pouvoir
L'axiome selon quoi tout ce qui est rationnel est réel
reflète la conviction que l'astuce de la raison ne manquera
pas de collaborer avec le pouvoir. la dialectique est
précisément le mécanisme qui laisse toujours ouverte la
porte à cette opération. Dans un mode de vie qui ne serait
pas dominé par le caractère patriarcal, la construction
triadique ne trouverait aucun répondant dans la psyché
humaine.
La phénoménologie de l'esprit est une phénoménologie
de l'esprit patriarcal, incarnation de la divinité monothéiste
du temps. La femme y apparaît comme une image dont le
niveau signifiant est une hypothèse d'autrui.
L'histoire est le résultat des actions patriarcales.
Les deux démentis colossaux à l'interprétation hégé-
lienne se trouve parmi nous : la femme qui refuse la famille,
le jeune homme qui refuse la guerre.
Le jeune homme sent que l'ancien droit paternel de vie
et de mort sur les fils était davantage l'explicitation d'un désir
que la législation d'une pratique. La guerre lui apparaît alors
comme un expedient inconscient pour le tuer, une conju-
ration contre lui.
N'oublions pas ce slogan du fascisme : famille et
sécurité.
L'angoisse de l'intégration sociale dissimule chez le
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