Carla Lonzi
Nous accueillons la libre sexualité sous toutes ses
formes, car nous avons cessé de considérer la frigidité
comme une alternative honorable.
Continuer à réglementer la vie entre les sexes est une
nécessité du pouvoir : le seul choix satisfaisant est un rapport
libre.
Curiosité et jeux sexuels appartiennent de droit aux
enfants.
Nous avons regardé pendant 4.000 ans, maintenant
nous avons vu.
Derrière nous brille l'apothéose de la millénaire
suprématie masculine. Les religions institutionalisées en ont
été le piedestal le plus ferme. A le concept de "génie" en a
constitué le degré inaccessible.
La femme a vu chaque jour se détruire ce qu'elle faisait.
Nous estimons incomplète une histoire qui s'est
constituée sur des traces non périssables.
De la présence de la femme il n'a été transmis que peu
ou prou : il nous appartient de la redécouvrir pour savoir la
vérité.
La civilisation nous a définies inférieures, l'Eglise nous a
appelées sexe, la psychanalyse nous a trahies, le marxisme
nous a vendues à la révolution hypothétique.
Nous demandons raison des millénaires de pensée
philosophique qui ont théorisé l'infériorité de la femme.
De la grande humiliation que nous a imposée le monde
patriarcal nous tenons pour responsables les théoriciens de
la pensée : ils ont maintenu le principe de la femme comme
adjointe pour la reproduction de l'espèce, lien avec la
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divinité ou seuil du monde animal, sphère privée et pietas. Is
ont justifié par la métaphysique ce qui était injuste et atroce
dans la vie de la femme.
Nous crachons sur Hegel.
La dialectique maître-serviteur est un règlement de
comptes entre collectifs masculins : elle ne prévoit pas la
libération de la femme, grand opprimé de la civilisation
patriarcale.
La lutte de classes, comme théorie révolutionnaire née
de la dialectique maître-serviteur, exclut également la
femme. Nous remettons en discussion le socialisme et la
dictature du proletariat.
En ne se reconnaissant pas dans la culture masculine, la
femme lui retire l'illusion de l'universalité.
L'homme a toujours parlé au nom du genre humain,
mais la moitié de la population terrestre l'accuse maintenant
d'avoir sublimé une mutilation.
La force de l'homme réside dans son identification avec
la culture, la nôtre dans le refus de la culture.
Après cet acte de conscience l'homme apparaitra
distinct de la femme et devra écouter tout ce qu'elle dira la
concernant.
Le monde n'explosera pas si l'homme perd un équilibre
psychologique basé sur notre soumission.
Dans la brûlante réalité d'un univers qui n'a jamais
dévoilé ses secrets, nous voulons retirer de leur crédit aux
efforts acharnés de la culture. Nous voulons être à la
hauteur d'un univers sans réponse.
Nous recherchons l'authenticité du geste de révolte et
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