Carla Lonzi
chemin en sens inverse en compagnie de la femme comme
sujet.
Nous nions comme absurdité le mythe de l'homme
nouveau. Le concept de pouvoir est l'élément de continuité
de la pensée masculine et donc des solutions finales. Le
concept de la subordination de la femme le suit comme une
ombre. Sur ces postulats toute prophétie est fausse.
Le problème féminin est en soi moyen et fin des
changements substantiels de l'humanité. I n'a pas besoin de
futur. I ne fait pas de distinctions entre proletariat,
bourgeoisie, tribus, clans, races, âges, culture. I ne reçoit de
directive ni d'en haut ni d'en bas, ni de l'élite ni de la base. 1
ne saurait être ni organisé ni dirigé, ni répandu ni
propagandé. C'est une parole nouvelle qu'un sujet nouveau
prononce, confiant sa diffusion à l'instant même. Agir devient
simple et élémentaire.
I n'existe pas de but, il existe un présent. Nous sommes
le passé obscur du monde, nous réalisons le présent.
Eté 70.
Carla Lonzi
- Ta demande m'a prise au débotté car jusqu'à
maintenant, j'ai toujours refusé l'interview. Durant toutes
ces années de féminisme je n'en ai jamais concédé. Or le
fait que tu rassembles des textes de femmes italiennes
pour les éditions des femmes me séduit et m'oblige à
prendre le contrepied des décisions précédemment
prises... et à bon escient me semble-t-il. Je me sens en
contradiction avec moi-même et je ne sais pas ce qui
pourra émerger d'une telle disposition d'esprit.
Oui, je sais, tu n'as jamais entendu jouer les papesses !
- Cela va de soi. Néanmoins les
féministes courent un
nouveau risque. Au début, de 1970 à 1974 environ, on
nous refusait en bloc, puis la situation s'est renversée.
Maintenant on assiste à une véritable manie de
consécration du féminisme, la société allant jusqu'à
adopter une attitude de promotion... Les modes en sont
multiples et sournois et, tout en ne le voulant pas, on
risque d'y tomber et de se faire piéger. Le besoin de
reconnaissance propre aux femmes se trouve sollicité par
un climat d'intérêt et des opportunités pratiques. La
société s'est mise à accepter les premisses du féminisme
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