Nicolas Poussin représente ici un passage célèbre de l'Évangile selon saint Matthieu au cours duquel le roi Hérode ayant appris par les Mages la naissance à Bethléem du « roi des Juifs », ordonne la mise à mort de tous les enfants de la ville de moins de deux ans. Joseph est averti en songe par un ange qu’il doit fuir en Égypte avec l’enfant et sa mère pour échapper au massacre.
L’artiste élabore sa composition autour d’une diagonale délimitant à gauche l’espace sacré (céleste) et à droite l’espace profane (terrestre).
Au centre, la Sainte Famille chemine dans un paysage de la campagne romaine, guidée par un ange. Chaque regard désigne une direction ou un dialogue particulier : Joseph questionne l’ange, Marie se retourne symbolisant la nostalgie du passé, l’âne avance dans l’ombre vers l’avenir incertain, alors que Jésus, au centre de la composition interpelle le spectateur. Les diagonales du tableau convergent vers le geste protecteur de la Vierge, soulignant ainsi que la fuite en Égypte constitue l’une des sept Douleurs éprouvées par Marie, annonciatrice de la Passion du Christ.
Installé définitivement à Rome depuis 1642, Poussin puise son inspiration dans les vestiges antiques, les œuvres de la Renaissance, tout autant que dans les modèles classiques contemporains d’Annibal Carrache. Ainsi, la figure de la Vierge qui se retourne dérive sans doute d’un bas-relief romain, l'attitude de l’ange et la pose du voyageur couché s'inspirent de fresques et de gravures de Raphaël, le portique à l’arrière et l’arbre courbé sont tirés d’une mosaïque antique.
L'œuvre fut commandée à l’artiste en 1657 par le soyeux lyonnais Jacques Sérisier, installé à Paris. Âgé de 63 ans, Poussin est alors l’une des grandes figures de la peinture européenne et l’initiateur du classicisme français. L'artiste-philosophe livre ici l’un de ses tableaux les plus énigmatiques, dans lequel transparait sa réflexion universelle et intemporelle sur l’exil.