Jean-Ambroise Baston, comte de Lariboisière (1759 - 1812) se lie à Bonaparte au régiment de La Fère. Artilleur émérite, il devient général en 1801 puis directeur général des parcs d'artillerie de la Grande Armée. Il prend une part décisive aux batailles d'Austerlitz, Iéna, Eylau, Dantzig ainsi qu'aux campagnes d'Espagne et de Russie où il combat à Smolensk et à Borodino. Ce dernier affrontement, resté fameux sous le nom de « bataille de La Moskowa », est fatal à son fils. Plus tard, lui-même, tombe malade d'épuisement et de chagrin à Vilna (l'actuelle Vilnius) avant de mourir à Königsberg (Kaliningrad) trois mois plus tard.
Le 7 septembre 1812 peu avant 6 heures du matin, à 150 km de Moscou, l'artillerie française ouvre le feu sur les positions russes campées au sud de la rivière Moskowa. L'attaque frontale laisse sur le terrain près de 30 000 Français, tués ou blessés, et environ 50 000 Russes. En dépit de la canonnade finale des lignes ennemies, cette bataille n'empêche pas les survivants de se replier sur Moscou.
C'est vers 1814 que le baron Jean-Antoine Gros fige le souvenir du général et de son fils en un double portrait posthume, à l'instant de leurs adieux décrits par Nicolas-Louis Planat de la Faye, aide-de-camp du général. Le 7 septembre 1812, à l'aube de la bataille, Lariboisière père, en uniforme de général de division commandant en chef de l'artillerie, serre sur son coeur la main de son fils Ferdinand, lieutenant au 1er régiment de carabiniers, âgé d'une vingtaine d'années. Leurs regards se portent en direction des troupes prêtes à livrer une furieuse charge de cavalerie où la mort attend le jeune lieutenant.
Au second plan à gauche, comme une discrète allégorie du destin, un cavalier casqué tient la bride de la monture du jeune homme. Cette figure anonyme et coupée, sorte de faire-valoir pittoresque, se retrouve dans d'autres portrait de Gros tel celui du général Lasalle. Sur la droite quatre autres cavaliers rappelant ceux de l'Apocalypse sonnent le début de la bataille. Dénué de tout pathétique et de toute sensiblerie, ce portrait d'histoire revêt une grandeur funèbre. La silhouette déliée, la désinvolture aristocratique de la pose du jeune Ferdinand ne laissent pas d'évoquer celles du second-lieutenant Charles Legrand dont Gros réalisa en 1810, à la demande de la famille du défunt, le portrait posthume (Los Angeles County Museum of Art).
Bien que l'allégorie soit, sous la Révolution et l'Empire, de moins en moins en faveur auprès des peintres d'histoire pour évoquer des événements contemporains, ces figures de cavaliers peuvent se lire dans leur double dimension.
Effigies familiales, ce portrait assume autant un rôle de commémoration privée qu'une valeur d'exemple. L'image, en effet, fonctionne sur des stéréotypes et conventions iconographiques (accessoires, insignes, poses, costumes) qui mettent en valeur le sacrifice de l'individu pour la nation qu'il sert. Pour autant, en jouant d'infimes décalages par rapport à la norme, l'artiste sait aussi mettre en valeur la singularité de chacun des modèles. La dimension historique du portrait s'affirme à travers le contexte et la narration de l'événement qui les a rendu illustres.
Les restes du général et de son fils reposent depuis 1814 en l'église Saint-Louis-des-Invalides.
Longtemps conservé par les descendants du général Lariboisière, ce tableau fut donné en 1889 par son petit-fils au musée de l'Artillerie à l'issue de l'exposition rétrospective militaire de 1889.
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