Le musée des Beaux-Arts a acquis en 2013 "L’Abreuvoir" et "Le Rocher" de Jean-Honoré Fragonard. Ces tableaux semblent constituer une paire, étant donné que leurs sujets, leurs compositions et leurs dimensions sont très proches.
Leur analyse matérielle a cependant révélé que "L’Abreuvoir" aurait été peint dans les années 1765, tandis que "Le Rocher" l’aurait été dans les années 1780. Ce n’est que dans la seconde moitié du XIXe siècle que les deux œuvres ont été réunies au sein de la prestigieuse collection de François Hippolyte Walferdin. Malgré le succès rencontré à ses débuts auprès de l’Académie royale, Fragonard s’est détourné de la brillante carrière officielle qui lui était promise pour s’adonner à la peinture de genre, de paysages et de figures de fantaisie.
Ces deux tableaux témoignent de son admiration pour la peinture hollandaise du XVIIe siècle, prisée par les collectionneurs parisiens de la seconde moitié du XVIIIe siècle. Comme dans les toiles du Siècle d’Or, la narration y est réduite à son minimum, la nature paraissant saisie en un instantané d’une grande intensité où arbres, nuages, animaux et hommes semblent mus par un même mouvement. En quelques touches, Fragonard parvient à inscrire ces paysages dans une temporalité humaine et à les doter d’une dimension galante.
Dans "L’Abreuvoir", un couple étendu dans le pré devise sans se soucier du jour qui décline, le vermillon de la jupe de la femme attirant sur eux le regard. Dans "Le Rocher", une femme juchée sur sa monture échange avec le bouvier qui l’accompagne. Quelques coups de brosse suffisent à rendre compte de l’imperceptible déplacement des nuages, de petites touches compactes traduisant le frémissement agitant les feuillages.