Quand ils ne peuplent pas les peintures explicitement religieuses, épis et miches prennent souvent sur la toile un sens second de communion spirituelle entre les êtres. Les “compagnons” sont au sens étymologique du terme ceux qui partagent le pain. Mais les céréales peuvent être également pour les artistes l’occasion d’une autre quête de sens, celle qui vise à atteindre par la représentation picturale l’essence des choses.
Parmi ces peintres qui cherchent à explorer la matière, à s’immerger dans la couleur, on retrouve l’inclassable Van Gogh. Il peint “La Méridienne” alors qu’il copie les maîtres, dont Millet, et admire les champs de blé depuis la fenêtre de sa chambre à l’asile de Saint-Rémy-de-Provence. Travaillant à partir d’une gravure en noir et blanc parue dans la presse, il entreprend de la traduire dans sa propore langue, celle des couleurs. En effet, si le sujet est traduit fidèlement jusque dans les détails de la paire de sabots et des deux faucilles abandonnées au premier plan, la palette de couleurs éclatantes est la touche très visible du génie néerlandais. Tout l’équilibre de la toile tient dans le jeu de contrastes chromatiques entre les jaunes et les bleus, de la douceur à la saturation. Les hachures parallèles figurent merveilleusement bien la paille tandis que la chaleur écrasante de l’air est rendue palpable par les ondulations du pinceau. Quant aux cernes des personnages, elles rappellent discrètement l’influence de Gauguin.