Théâtre d'ombres sbek tom. Théâtre d'ombres sbek tom.

1991-10-24

Maison des Cultures du Monde - Centre français du patrimoine culturel immatériel

Maison des Cultures du Monde - Centre français du patrimoine culturel immatériel
Vitré, France

Il est dit que les sbek tom ou ombres de cuir, auraient servi de modèles aux sculptures du temple d'Angkor Vat. Les personnages découpés dans le cuir puis sculptés dans la pierre sont des Devatesi, danseurs semi-dieux servant de médiateurs entre les hommes et les dieux. Leur danse est un acte de communication magique. Plus que des accessoires de théâtre, les sbek tom représentent des êtres vivants dont la fonction est d'enseigner les valeurs hindouistes par l'intermédiaire des épisodes du Ramayana (la Geste de Rama). L'hindouisme pénètre d'Inde au Cambodge dans le courant du premier siècle de notre ère et parvient à se maintenir après l'essor du bouddhisme au XIe siècle. Le Ramayana s'adapte en version khmère et devient Reamker. Cette version fait intervenir les mêmes personnages que dans l'épopée originale, mais grâce au processus de transmission orale, la plupart des noms prennent une consonance khmère. Malgré son contenu hindouiste le sbek tom est régulièrement représenté à l'occasion de cérémonies bouddhistes.
Tous les Cambodgiens connaissent le récit du Reamker et lui attribuent une réalité historique, renforcée par sa fréquente mise en scène sous forme de théâtre dansé ou de théâtre d'ombres. Le public baigne dans une atmosphère d'antagonisme entre le Bien représenté par Preah Ream (Rama), Preah Leaks (Laksmana) et Hanuman et le Mal incarné par Reap (Ravana) et Indrachit (Indrajit). C'est de cette manière que le sbek tom, art traditionnel et sacré, demeure très populaire au Cambodge.

De nombreuses techniques artistiques interviennent dans la préparation et la réalisation du sbek tom: le dessin, le découpage, la teinture, la danse, le mine, la musique, la narration et la manipulation. Les gestes et les costumes des personnages ressemblent à ceux de la danse classique khmère, lakon khoul. Les motifs décoratifs des ombres représentent des fleurs, des feuilles, des bourgeons, des vignes grimpantes, des massifs ou des phgni (flammes), des trabak chhouk (pétales de fleurs de lotus). Les costumes se composent de deux parties: le sampot (pièce d'étoffe qui couvre le bas du corps) et le saosbay (écharpe entourant les épaules). Ils peuvent être agrémentés d'une grande couronne, d'ornements de tête, de bracelets et d'anneaux de chevilles. Les 154 figurines qui existent encore sont conservées au Département des Arts du Ministère de la Culture de Phnom-Penh et sont exclusivement consacrées aux personnages du Reamker. Les récits racontés et joués sont toujours des fragments contant le déroulement des combats entre Rama et Ravana. Spécialement appréciées sont les batailles entre Indrajit (fils de Ravana) et Preah Laksh (Lakshamana, jeune frère de Rama). Ces batailles appelées sar neak bas, font référence à la flèche d'Indrajit qui se transforme en mille Naga (serpents).

Fabrication des figurines.
La peau d'une vache fraîchement abattue est mise à sécher au soleil. Puis l'artiste commence par tracer les contours avec des instruments spéciaux et une encre végétale. Tous les personnages, Yakshar (homme), Devata (esprit célèbre), Swar (singe), ou Preah Indra (roi du paradis hindouiste), sont représentés en mouvement et dans leurs différents rôles: marchant, volant, conduisant leur char, chevauchant des coursiers, des éléphants ou des oiseaux.
Les décorations qui les entourent sont chaque fois différentes. Elles dépendent de la situation dépeinte et expriment de manière codifiée le sentiment qui anime le personnage.
Lorsque les dessins sont tracés sur la peau, celle-ci subit un bain traitant qui l'opacifie légèrement. Le procédé donne une graduation de couleurs brunes qui prend toute une gamme de profondeurs lorsque la lumière joue sur la peau. La peau n'est jamais peinte et les aplats colorés sont en fait obtenus par trempages successifs. Une fois que les zones colorées sont réparties, le facteur procède au découpage, avant un nouveau séchage.
La peau devenue rigide est pincée entre deux tiges de bambou fendu. Ainsi le manipulateur peut brandir l'ombre au-dessus de sa tête, en saisissant les deux tiges, sans toucher à la peau. Ces poignées sont d'une grande aide pour le manipulateur qui danse en même temps.

La représentation
Le sbek tom est représenté de part et d'autre d'un long écran de tissu blanc. Le bas de l'écran doit arriver à la ceinture des manipulateurs. Entre le bas de l'écran et le sol une étoffe noire est tendue. L'écran est éclairé par derrière grâce à un brasier où brûlent des résines. Aujourd'hui au lieu du brasier, il est plus courant d'utiliser une lampe électrique.
L'ombre est manipulée contre l'écran et de part et d'autre, c'est à dire en transparence ou en vision directe par rapport aux spectateurs. Plus la peau est près de l'écran, plus les contours sont précis.
Avant le début du spectacle, les manipulateurs, les musiciens et les danseurs célèbrent le rite du hom rong par lequel ils sacralisent l'aire de jeu du spectacle. La cérémonie de hom rong renforce l'efficacité du spectacle et fixe l'attention des spectateurs avant le début. Le manipulateur se concentre, par la méditation, sur le rôle du personnage représenté par l'ombre ou les ombres qu'il va manipuler. Le guru des sbek reçoit l'invocation à trois reprises. Après quoi, l'homme responsable des torches, fait trois fois le tour de la table avant de les allumer.
Le narrateur ou nak bhol commence alors le chant de Yakor et le répète trois fois jusqu'à ce que tous les manipulateurs-danseurs se soient placés derrière l'écran et répondent par le même mot. Pour prononcer ce mot, ils utilisent un ton de voix tout à fait particulier, dont on dit qu'il est la voix des morts dans la forêt.
Après la cérémonie d'ouverture, mais avant le début de la narration, les manipulateurs- danseurs exécutent une danse spéciale figurant la bataille de deux singes: Swar Sau, le Singe Blanc et Swar Kmau le Singe Noir. Cette danse appelée Sva Prachap est un combat entre le Bien et le Mal s'achevant par le triomphe du Bien. A la fin, le Singe Blanc, vainqueur traîne le Singe Noir aux pieds de Preah Moni Eisey, le juge suprême.
Lorsque ces cérémonies sont terminées, alors seulement le spectacle peut commencer.
Le narrateur, généralement le guru ou le chef du groupe de sbek tom entame le dialogue. Celui-ci consiste soit en poèmes, soit en prose fixe. Le commentaire de l'histoire contée utilise de nombreux poèmes. A la fin de chaque récit, Bhol, le narrateur, donne le nom du morceau de musique qui va être joué. Pendant la musique, les manipulateurs dansent.
Quelquefois, au cours de l'histoire, lorsque que se déroule une bataille entre les démons et les singes, les manipulateurs posent les ombres à terre et simulent le combat direct.

La narration
Généralement, chaque troupe de sbek tom emploie deux narrateurs qui ont pour fonction de dire le récit l'un après l'autre, qu'il s'agisse de vers ou de prose. A la fin de chaque strophe ou de chaque vers mesuré, deux tambours de taille différente, le sampho et le skoor tom battent deux fois pour souligner l'emphase ou la cadence du drame. Lorsque les narrateurs parlent en prose, ils ne sont pas accompagnés par la musique. Chacun des narrateurs conserve les mêmes personnages tout au long du récit. Le dialogue s'appuie parfois sur des mots satiriques et des situations comiques.
Le récit du sbek tom a deux formes. La première s'appuie sur la prose et utilise les sons étirés à la fin de chaque phrase. Elle ressemble en cela aux poèmes sans en avoir les règles rigides appliquées au nombre de pieds par vers. Le narrateur se sert de la prose pour les scènes d'action ou les dialogues basés sur la discussion. La seconde est la narration basée sur les poèmes. Le narrateur utilise la technique spéciale appelée bhat punm nhol, servant à décrire les sentiments ou bien la peur.
Les poèmes des dialogues de colère sont appelés bat pumnul. Il s'agit d'un style très ancien qui fait alterner les vers de 6 pieds et les vers de 4 pieds. Les poèmes pour la maladie ou les larmes, appelés bhrumakiti, sont formés par des vers de 5 pieds et de 6 pieds. Pour les sentiments de séparation, de solitude ou les atmosphères tragiques, les narrateurs utilisent le baht phnom nhol et le bhrumakiti.

La musique
L'orchestre qui accompagne le sbek tom est le pinpeat, c'est ce même orchestre qui accompagne la danse classique et qui est représenté sur les bas-reliefs du temple d'Angkor Vat.
Les instruments de l'orchestre sont:
Roneat ek (petit xylophone)
Roneat thong (xylophone grave)
Kong vong tauch (clavier de gongs bulbés disposés en demi-cercle)
Sralay tauch (hautbois)
Somphor (tambour à deux peaux, pour marquer les cadences)
Skor thom (tambour cintré à une peau)
Chhing (cymbales)
La musique de sbek tom comporte de nombreuses mélodies et il est exceptionnel que l'orchestre joue des mélodies empruntées aux autres ensembles. La diversité aide à créer une ambiance soit comique, soit satirique, soit lyrique, soit dramatique soit tragique et aide le public à trouver des références immédiates. Il existe une vingtaine de mélodies différentes appelées bat. Chaque mélodie souligne la signification d'une action: par exemple la marche d'un roi, par opposition à la marche d'un homme du peuple. Egalement, les différents sentiments sont exprimés par des musiques adaptées.
D'après M. Lohgan

PROGRAMME
"Les guerres d'Indrachit" sous-titres français.
Le Reamker "Ramayana"

La cérémonie de salutations aux Krous "Maître Suprême"
Le Sampeas Krous : "Commémoration aux maîtres défunts".
Etant donné que presque toutes les formes d'arts ont pour origine la religion, selon la tradition de la race khmère, avant de commencer une représentation artistique, les danseurs et les danseuses organisent la cérémonie de Sampeas Krous ; il s'agit d'une commémoration aux maîtres de théâtre, de danse, de sculpture, de chant, et de musique qui ont quitté le monde ; cette cérémonie permet également d'inviter l'âme des choses sacrées à se placer dans l'esprit de tous les artistes, de présenter des voeux de bonne santé et, en particulier, de souhaiter le succès pour tous les divertissements artistiques.

Le Combat des deux singes
Cette scène montre le combat des deux singes : le Blanc représente le Bien et le Noir le Mal. Le noir est vaincu. Le blanc lui met les mains derrière le dos, et l'emmène à Preah Moni Eisci "l'ermite = Le Grand maître".
En voyant le noir avec les mains attachés derrière le dos, le Grand maître donne ses recommandations et de bons conseils pour que le noir cesse les maladresses et devienne juste et aimable. Puis, il ordonne au songe Blanc de remettre de singe Noir en liberté : les deux singes repartent ensemble, s'aiment, se respectent comme deux propres frères. Cette scène symbolise l'abolition des malheurs, des actes nuisibles et la présentation de souhaits de bonne santé, de bonheur et de prospérité à tous les artistes et spectateurs de la soirée.

Le Reamker :
Reap "Ravana" ordonne que sa nièce Ponhakay se transforme en cadavre de Seda "Sita". Suivant le courant d'eau, ce cadavre flotte devant l'habitation de Preah Ream "Rama" située au bord de la mer. Cette ruse doit tromper Rama en lui faisant croire à la mort de Sita ; ainsi Rama devra retirer sa troupe de Langka.
A la vue de ce cadavre, Preah Ream croit reconnaître Sita, sa femme bien aimée. Preah Ream pleure ; en même temps il se met très en colère contre son entourage, Hanuman, Angkut et Sokrip. Preah Ream admet que la mort de Sita est causée par Hanuman "Le singe blanc" qui avait mis en feu la ville de Langka "pays de Ravana" ; et à cause de cela, Reap, mécontent aurait tué Sita, femme de Rama.
Hanuman s'incline devant Preah Ream pour s'excuser et vient lui apprendre que ce n'est pas le cadavre de Sita mais une ruse ; le cadavre est l'illusion d'un Géant transformé. Hanuman demande à Preah Ream la permission de faire un test. Hanuman organise alors les funérailles de la supposée Sita. Au cours des funérailles Hanuman reste sur ses gardes ; il demande à Sokrip de surveiller la cérémonie, Angkut se place au fond de la terre, lui-même se cache dans les nuages pour empêcher le géant transformé en cadavre de Sita de prendre la fuite.
Finalement Hanuman réussit à arrêter Ponhakay "fausse Sita" qui se sauve à cause de la chaleur.
Après avoir arrêté Ponhakay, les militaires la torturent pour l'interroger.; alors Ponhakay avoue qu'elle est la nièce de Reap "Ravana" et fille de Piphek Hora "le devin", qui travaille actuellement avec Preah Ream. A cette information, Hanuman suivant l'ordre de Preah Ream ramène Ponhakay à Langka.
Chemin faisant Hanuman fait des avances à Ponhakay ; et finalement Ponhakay les accepte.
Dès que Reap apprend que le stratagème de Ponhakay n'a pas réussi à tromper Preah Ream et ses militaires, il ordonne à son fils Indrachit de mener une offensive afin de détruire l'armée de Preah Ream.
Preah Ream envoie son frère Preah Laksm "Laksmana" pour combattre Indrachit. Indrachit ordonne à Virulmuk Koma de se transformer en faux Indrachit pour faire la guerre contre Preah Laksm. Tandis que le vrai Indrachit lui-même se cache dans le ciel et lance des flèches sacrées sur Preah Laksm et l'armée des singes. Indrachit blesse Preah Laksm et l'armée des singes avec les flèches de Naga. Quand Preah Ream est informé des évènements, il envoie un message à son parrain Simpili Krut "Garuda" pour lui demander secours. Simpili Krut enlève les flèches du corps de Preah Laksm et de l'armée des singes.
Quand Indrachit sait que Preah Ream et l'armée des singes sont encore en vie, il envoie ses soldats chercher Sokacha emprisonné depuis assez longtemps et le fait transformer en fausse Sita ; ensuite Indrachit conduit la fausse Sita et ses soldats sur le champ de bataille.
A la rencontre de Preah Laksm, Indrachit montre la "fausse Sita" belle-soeur de Preah Laksm.
Preah Laksm en colère dénonce les maladresses sauvages de Krong Reap, père de Indrachit, qui ose garder Sita prisonnière dans son château de Langka.
Comme Preah Laksm ne se retire pas, Indrachit se servant de son épée, coupe tout d'un coup la tête de Sita "fausse sita ou Sokacha transformée".
Preah Laksm rend compte à son frère Preah Ream de la mort de Sita. Désespéré Preah Ream pleure beaucoup.
Un instant plus tard, Piphek Hora "le Devin" lui apprend la vérité ; la Sita tuée par Indrachit n'est pas la vraie, mais la transformation de Sokacha.
Indrachit va méditer dans son palais sur la montagne Kouchakot. Il se demande comment renforcer son pouvoir.
A cette information, Preah Ream envoie son frère cadet Preah Laksm pour rompre la prière d'Indrachit. Indrachit surpris se sauve dans le ciel ; mais Preah Laksm lui tire une flèche magique qui se transforme en mille flèches. Souffrant, Indrachit se rend à Langka où il demande à sa mère Neang Mondokari de lui donner du lait pour apaiser sa douleur.
Indrachit rétabli, Neang Mondokiri lui demande de ne plus faire la guerre contre Preah Ream ; mais Indrachit, têtu, ne veut pas écouter les conseils de sa mère et lui répond que s'il ne fait pas la guerre contre Preah Ream ce sera son père Krong Reap qui la fera ; il ne peut supporter l'idée de son père sur le champ de bataille.
Lorsque Preah Ream sait que Indrachit reste encore vivant, il repart avec une grande armée pour le tuer.
Piphek Hora " le Devin" lui prédit la mort d'Indrachit au bout de la flèche magique. Preah Ream envoie Angkut au pays du Bhrama chercher un plateau sur lequel il déposera la tête d'Indrachit dès qu'elle aura été coupée (cette mauvaise tête enflammerait l'eau et la terre et causerait aussi de grands malheurs si elle tombait).
Au cours de cette dernière guerre Indrachit est tué par la flèche magique "Sar Bhrameas" de Preah Ream ; conformément à la proposition de Piphek Hora "le Devin", sa tête est envoyé à Than Doset "Le monde des Dieux".
Après avoir remporté cette grande victoire et tué Indrachit, Preah Ream se rend au pavillon d'or en compagnie de son armée et de son entourage.

Afficher moinsEn savoir plus
  • Titre: Théâtre d'ombres sbek tom. Théâtre d'ombres sbek tom.
  • Date de création: 1991-10-24, 1991-10-24
  • Lieu: Cambodge
Maison des Cultures du Monde - Centre français du patrimoine culturel immatériel

Autres éléments

Télécharger l'application

Découvrez des musées et amusez-vous avec les fonctionnalités Art Transfer, Pocket Gallery, Art Selfie et bien d'autres encore

Intéressé par "Mode" ?

Restez informé via votre newsletter personnalisée Culture Weekly

Tout est prêt.

Vous recevrez votre première newsletter Culture Weekly cette semaine.

Accueil
Découvrir
Jouer
À proximité
Favoris