monde féminin que je m'en suis aperçue, parce qu'une partie des femmes se
lance dans la culture tandis que d'autres, qui se sont révélées à moi aussi
remarquables, n'ont pas voulu affronter les risques de cet impact. Bien sûr, ce
n'est pas une solution mais cela signifie quelque chose...Affronter ce monde et
risquer de se perdre elles-mêmes ne font qu'un. Quand je vois des femmes qui
sont actives dans le monde culturel depuis des années et qui ont réellement
pris des modes d'adoration permanente, qui ne réussissent plus à apprécier
rien hors des mythes qui y circulent, je comprends le danger qu'il y a à
pénétrer dans ce monde. Parce que derrière toi, qu'est ce que tu as? Tu as la
famille et le mécontentement général relatif au manque d'expressivité, à
l'incapacité des gens à s'exprimer sur eux-mêmes. Tu arrives là et tu vois de
grands messieurs qui disent les choses, qui savent tout sur ce qu'il faut
faire....Ils sont un type de "Moi" que la femme, la jeune fille n'avait pas connu
jusqu'alors. Le risque de perdre le Nord existe vraiment.
P. - Mais toi, à cette époque, tu disais: "les hommes qui sont en crise me
plaisent, m'intéressent". Donc, tu as rencontré des hommes en crise, tu n'as
pas rencontré ces messieurs dont tu parlais....
C. - Par "les hommes en crise me plaisent", j'entendais toi et aussi mon
mari. Les hommes avec lesquels j'ai eu une relation ont toujours été des
hommes en crise ou des hommes marginaux. Je n'éprouvais pas le même
transport affectif, je ne me sentais pas autant impliquée avec des hommes qui
étaient dans une phase d'ascension, même si d'un autre point de vue, ceux-ci
me donnaient des stimulations très fortes, plus fortes peut-être parce que le
moment de l'affirmation de soi, de la croissance, lorsqu'on la sent múe par une
poussée interne, est certainement très attirant. Mais il m'excluait, je me sentais
exclue, je ne comprenais pas l'apport qui était le mien, qui existait bien mais
sans que je le comprenne. Cet apport pouvait davantage se développer dans
un dialogue avec un homme en crise qui avait besoin d'un interlocuteur et son
besoin me rendait consciente de moi-même, tandis que l'autre avait l'air de dire
"que ce soit toi ou un autre, pour moi, c'est pareil, de toute façon, j'avance".
Ce n'était pas vrai mais c'était l'illusion qu'il se faisait à ce moment là. Donc,
dans la relation avec lui, la conscience de moi-même avait plus de peine à
apparaitre. D'autre part, quand une femme s'insère dans un milieu de culture
masculine en faisant ses choix comme je l'avais fait, sans être passive, il
s'établit comme un flirt entre elle et ce monde culturel parce que la conscience
d'être une femme jeune, désirable, au milieu d'hommes désirables eux aussi ne
doit pas être oubliée, c'est un élément qui joue beaucoup, qui constitue une
part du piquant qu'il y a dans l'appel à s'intégrer. Quand s'établit une
communication entre les deux sexes, il y a toujours ce sous-entendu, même si
tu ne le portes pas à la conscience, même si tu ne le réalises pas, il est
présent. Donc, il se fait ce mélange entre assujettissement culturel et sous-
entendu flirtant qui entraine des attitudes un peu artificielles. Quant à l'homme
en crise, il est, lui, disposé à se laisser interroger et même à s'interroger sur
lui même avec l'aide d'une femme, tandis qu'un homme dans le moment où sa
créativité s'exprime n'est pas tellement prêt à cela, au mieux il est très pris
par l'attention qu'il porte au rapport entre soi et son oeuvre, par la question
de savoir comment se présente son oeuvre en rapport à ce qu'il ressent, lui,
ou de toute façon par le phénomène que constitue cette oeuvre qui est en
train de naître de ses mains. En apparence, il ne te donne pas d'espace... En
fait, j'ai eu beaucoup d'espace, mais comme il semblait que lui n'avait pas
besoin de moi, j'étais plus consciente de mon besoin au sein de notre relation
que de celui de l'autre, donc ce n'était pas une condition d'égalité. Dans ce
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