Depuis 1967, année où Gilbert & George firent connaissance et commencèrent à travailler et à vivre ensemble, leurs identités se sont fondues de telle manière qu'il n'est plus possible de penser à l'un sans l'autre. Aucune biographie individuelle, ni œuvre particulière à chacun d'eux, ne peut être comprise sans une union aussi spéciale. En plus, ils n'établissent aucune distinction entre leur vie et leur art. Ils sont leurs propres œuvres d'art. À la fin des années 1960, ils commencèrent à se produire en public comme des « sculptures vivantes » : habillés à l'identique avec des costumes élégants, le visage et les mains recouverts d'une patine métallique, ils se promenaient dans les musées, les galeries et les manifestations culturelles en se faisant passer pour des statues en bronze robotisées qui fusionnaient le créateur et la création, convertissant des activités de routine en de véritables spectacles. Leur art est aussi ouvert à diverses disciplines comme la photographie, la peinture, le texte et le cinéma, mais aussi la performance, dans lesquelles leur présence se distingue clairement, souvent sous forme d'autoportraits.
Au milieu des années 1970, Gilbert & George adoptèrent le format de quadrillage, évocateur du modernisme précoce, pour leurs œuvres photographiques, une pratique qu'ils ont conservée jusqu'à ce jour. Alors que leurs œuvres photographiques des années soixante-dix étaient pour la plupart monochromatiques, ils commencèrent au début des années quatre-vingt à teindre des collages de photos de couleurs vives, dans une évocation joyeuse de la tradition des vitraux d'églises. À cette époque, Gilbert & George commencèrent aussi à engager des jeunes de l'East End londonien, où ils vivent. Traitant leurs modèles et eux-mêmes comme un matériau malléable, les artistes créèrent des compositions provocantes, très graphiques et de plus en plus grandes. Leurs œuvres de cette période s'inspirent des détails de la société de l'East End et de l'expérience homosexuelle urbaine britannique, afin de représenter le mystère de l'existence humaine, comme le suggère le titre d'une œuvre de 1984 : MORT ESPOIR VIE PEUR (DEATH HOPE LIFE FEAR). Dans la monumentale Éveil (Waking), de la même année, les artistes occupent le centre d'une image avec de multiples figures aux couleurs vives, placées symétriquement. Autour d'eux, les spectateurs observent pendant que les artistes, dont les visages sont transformés en masques par la couleur superposée, représentent l'horreur d'un genre d'éveil, peut-être le passage de l'enfance à l'adolescence ou à la maturité, apparemment suggérée par la répétition des figures des artistes dans trois échelles différentes.