Cette armoire est un exemple exceptionnel, par la qualité et l’exubérance de son décor, du mobilier rural français. Elle témoigne de l’enrichissement d’une partie de la paysannerie à la fin du XVIIIe siècle et au XIXe siècle, notamment en Normandie, où elle bénéficie de la proximité de Paris. A cette époque l’armoire est un meuble de prestige, emprunté aux classes sociales supérieures, bourgeoisie et petite noblesse. Commandée à des artisans spécialisés, elle rassemble des motifs choisis sur poncifs dans un répertoire de sujets limité : oiseaux, guirlandes, motifs végétaux. En revanche les motifs des trophées sculptés en léger relief dans les médaillons au centre des portes sont l’occasion de commander au menuisier un meuble plus personnel : outils agricoles, objets évoquant le vin et les vendanges, voire représentations des jeunes époux. Comme il arrive souvent, cet exemple mélange des éléments des styles Louis XV (panier fleuri, pieds chantournés) et Louis XVI (symétrie, guirlande, cannelures, motifs perlés), avec un certain décalage par rapport à la Cour et à la bourgeoisie. Vers 1800, celles-ci ont déjà abandonné les styles de l’Ancien Régime pour adopter le style Empire.
L’armoire fait souvent partie de la dot de l’épouse et c’est pourquoi elle est fréquemment ornée des symboles de la félicité conjugale et de la prospérité du foyer. Ici des colombes sont représentées en train de se becqueter entourées d’une gerbe et de guirlandes de fleurs. Cette image est très répandue dans ce type de meuble, mais elle est ici sculptée dans un haut relief exceptionnellement prononcé et elle semble abondamment déborder du fronton sur les portes.