Léon Leblanc (1900-2000), la musique comme sacerdoce

Le dernier représentant d’une tradition artisanale remontant au siècle précédent

Les établissements Noblet en 1906 (1906)Le Musée des instruments à vent

LA NAISSANCE

Né le 24 novembre 1900 à La Couture-Boussey, fils de Georges Leblanc, facteur d’instruments à vent, successeur de Denis Toussaint Noblet (1850-1919), et Laure Clémence Jeuffroy (1875-1965), ouvrière « en instruments de musique », Léon est lancé dans la musique dès son enfance.

Georges et Clémence Leblanc

Georges Leblanc dans l'atelier (années 1930-1940)Le Musée des instruments à vent

UNE ENFANCE DANS L'ATELIER

Une enfance vécue dans les ateliers, au contact des ouvriers, des machines, des bois et des musiciens de l’harmonie que le père Georges, bassoniste, dirigeait.
À 6 ans, il commence à étudier le sax soprano, pour passer ensuite à la clarinette. Il est envoyé au Collège Saint-Nicolas de Paris pour perfectionner ses études et, à 16 ans, obtiendra son B.E. (Brevet Élémentaire).

Georges et Léon Leblanc (1921/1922)Le Musée des instruments à vent

1921, UNE ANNÉE QUI CHANGE TOUT

1921 est l’année charnière, après le diplôme de clarinette au Conservatoire de Paris, un voyage de trois mois aux États-Unis pour présenter les clarinettes Noblet-Leblanc lui fait découvrir le potentiel du marché outre-Atlantique : ce voyage constitue le baptême de Léon comme entrepreneur.

En 1997, à l’occasion de son 97ème anniversaire, il écrira : « Dès le 1er voyage en 1921, j’ai réalisé ce qui devait être fait pour gagner le marché américain. À mon retour à La Couture, avec des idées américaines, j’en parle avec mon père qui m’a laissé carte blanche ».

Georges et Léon Leblanc (c. 1940)Le Musée des instruments à vent

LA RECHERCHE DE LA QUALITÉ

En 1936, Léon Leblanc devient directeur de l’usine de La Couture-Boussey, ses responsabilités dans l’entreprise familiale augmentent.

Il ne renonce pas à contrôler soigneusement, avec le père Georges à l’harmonium, la qualité des instruments produits et surtout leur intonation.

Harmonie “La Musique de La Couture-Boussey” (1895/1900)Le Musée des instruments à vent

LÉON ET LA MUSIQUE

« Quel est le secret ? La musique est un sacerdoce. Elle emplit totalement ma vie… » disait Léon Leblanc, interviewé en 1985.

Initié à la musique depuis l’enfance, Léon ne la quittera jamais de sa vie.

Son expérience et son regard de musicien seront fondamentaux dans sa carrière, une vie dédiée au développement technologique des instruments, à la recherche d’amélioration sonore et à la facilité de jeu.

Élevé dans une ambiance fortement musicale, le père Georges, bassoniste et directeur de l’harmonie, a sûrement une grande influence sur le jeune Léon. L’harmonie, qui était le centre de la vie musicale du village, devait être un environnement familial, similaire à celui de l’atelier, les musiciens provenaient des différents ateliers et usines du village, tous les ouvriers ou presque sachant jouer de la musique.

Charles Houvenaghel (1878-1966) (1955/1966)Le Musée des instruments à vent

LES ANNÉES 1920, L'INNOVATION

Un fils entreprenant et visionnaire et un père tourné vers l’avenir : ce sont les ingrédients du succès. Au milieu des années 1920, des nouveaux ateliers sur trois niveaux sont installés dans le quartier de Belleville, au 70, rue des Rigoles dans le 20ème arrondissement de Paris.

C’est grâce à Charles Houvenaghel (1878-1966), acousticien de premier ordre, clarinettiste et ami de Georges et Léon, que les expérimentations et les tests acoustiques se généralisent. Ils ouvrent aussi la voie à la modernité et pour la réalisation d’instruments plus performants.

Léon et Charles inventent, brevettent et mettent en production des modèles de clarinettes pour pouvoir créer un orchestre entier, de la sopranino à la contrebasse.

Comparaison de clarinettes (2014), LeblancLe Musée des instruments à vent

Petit exemple de comparaison
Voici les clarinettes octo, qui atteignent jusqu'à 1,80 m, par rapport à une clarinette Sib, le modèle le plus répandu dans le monde.

Gravure du nom de la clarinette octocontrabasse, Leblanc, 1939, Provenant de la collection : Le Musée des instruments à vent
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Gravure d'une gamme en Fa, Leblanc, 1939, Provenant de la collection : Le Musée des instruments à vent
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Bec de la clarinette octocontrabasse, Leblanc, 1939, Provenant de la collection : Le Musée des instruments à vent
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Vito Pascucci visite l'usine Leblanc (années 1960)Le Musée des instruments à vent

1946, LEBLANC CORPORATION

À son retour de voyage en Amérique en 1921, Léon est convaincu qu’il faut s’approcher du marché américain et, en juin 1935, après des voyages annuels pour présenter ses instruments, il constitue une société G. Leblanc Inc. à New York pour la facture, l’achat, la vente, l’importation, l’exportation de tous types d’instruments de musique.

La société, sans doute à cause des tensions sociopolitiques et économiques de la fin des années 1930, ne sera de fait probablement jamais active.

En 1944, Léon rencontre en France Vito Pascucci, réparateur pour la Glenn Miller Army Air Force Band ; après la mort tragique de Glenn en décembre 1944, Léon propose à Vito de créer une maison de vente aux États-Unis et Vito « a été bienheureux de sauter sur l’occasion ».

Léon Leblanc et Vito Pascucci (années 1960)Le Musée des instruments à vent

En 1946, « G. Leblanc Corporation » est né : tous les instruments distribués seront marqués Noblet, Leblanc et Normandy. C’est le changement de cap qui permettra à « Leblanc » de devenir synonyme de « clarinette » dans le monde.

Vito et Léon, unis par la passion pour la musique et leur expérience dans les ateliers, n’hésitent pas à se retrousser les manches pour intervenir personnellement sur les processus de fabrication et la mise au point des instruments : « quand j’ai fondé avec Vito Pascucci mon bureau à Kenosha, ça n'était pas pour faire plus d’affaires, mais pour que mes instruments en arrivant là-bas soient vérifiés, bien au point, jouables par les professionnels, car le transport par bateau et l’humidité de l’air marin faisaient travailler le bois ».

Première page de “La Dépêche”, 18 fevrier 1950 (1950), La DépêcheLe Musée des instruments à vent

LES INCENDIES

Deux catastrophes s'abattent sur Léon en 1950 et 1968, deux incendies qui détruisent les ateliers.

Dans la nuit du 12 au 13 février 1950, une terrible tempête dévaste la région, le vent souffle très fort, les efforts des pompiers ne peuvent rien contre les flammes qui dévorent les bâtiments. Tous les ateliers et les bureaux sont détruits, seuls les stocks d’ébène sont épargnés. La maison de Georges et Clémence, à côté de l’usine, a complètement brûlé, il n’en reste que les murs.

Léon était à Paris, convalescent après un accident de voiture, un des nombreux de sa vie, qui le forcera à dix mois d’hospitalisation.

Après l'incendie (1950)Le Musée des instruments à vent

Georges, avec le soutien de Léon, dirige la reconstruction : moins d'un an plus tard, des nouveaux bâtiments sont construits, parallèles à la rue et non plus perpendiculaires, pour permettre une future expansion à l’arrière.

Première page de “Paris Normandie”, 3 juillet 1968 (1968), Paris NormandieLe Musée des instruments à vent

Le soir du 1er juillet 1968, une nouvelle catastrophe s’abat sur Léon : l’incendie des bâtiments construits en 1950. Georges est mort en 1959 et Clémence en 1965, c’est à lui cette fois-ci de faire face à l‘urgence. L’usine, qui fabriquait 2000 clarinettes, 250 flûtes et 50 hautbois par mois, la plupart destinée au marché américain, est une deuxième fois détruite.

Le lendemain, soixante-quinze ouvriers dont une vingtaine de femmes commencent à « dégager de l’amas de poutres calcinées les pièces susceptibles d’être récupérées ». 150 flûtes, les archives et ce qui restait de la collection d’instruments de Georges sont incinérées. Il ne reste aucune trace des commandes des clients, tous les documents administratifs sont brûlés.

Première page de “La Dépêche”, 06 juillet 1968 (1968), La DépêcheLe Musée des instruments à vent

Cette deuxième épreuve ne découragera pas Léon qui, grâce à l’aide des employés, remettra très vite en marche les ateliers et recommencera la production et l’exportation.

Léon Leblanc et Vito Pascucci (1980)Le Musée des instruments à vent

1989, LE DÉBUT DE LA FIN

En 1989, à l’âge de 89 ans, Léon décide de passer le flambeau à son ami et partenaire d’affaires Vito, en lui cédant 65 % de Leblanc France. À cette période, environ cent personnes sont employées à La Couture-Boussey et quatre cents aux États-Unis.

Pendant trois ans, Léon reste conseiller technique et, en 1993, cédera après une longue négociation la majorité de ses parts dans l’entreprise, considérée comme un trésor national vis-à-vis de l’année de la fondation (1750), l’une des plus anciennes de France. La vente est un argument tellement délicat au niveau politique qu’elle nécessite l’approbation du Président de la République, François Mitterrand.

Mariage de Léon Leblanc (1998)Le Musée des instruments à vent

En février 1998, à l'âge de 98 ans, Léon épouse Mary Lambret (Lucette Régine Marie, 1928-2012), collaboratrice et partenaire depuis quarante ans. Une petite cérémonie est organisée en juin à l’église du village.

Léon Leblanc mourra quelques années plus tard, en 2000, quelques mois avant de fêter son 100e anniversaire.

Le dernier représentant d’une tradition artisanale remontant au siècle précédent s’en est donc allé, sans bruit, non sans avoir transformé à jamais le monde de la manufacture instrumentale et avoir inscrit durablement La Couture-Boussey comme un lieu de pèlerinage pour des milliers de musiciens et d’amateurs.

Crédits : histoire

Le Musée des instruments à vent

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