En 1900, Paris accueille l'Exposition Universelle pour la cinquième fois de son histoire.
Gare d'Orsay, coupe transversale (1898), Plan de Victor LalouxMusée d’Orsay, Paris
L'architecte Victor Laloux est chargé de concevoir une nouvelle gare ferroviaire, dotée d'un hôtel de luxe sur la rive gauche de la Seine.
Au centre de la capitale, elle permettra aux voyageurs du réseau Sud-Ouest d'arriver non loin des principaux sites de l'Exposition.
Derniers débris de la cour des Comptes (1898), Derniers débris de la cour des Comptes (1898)Musée d’Orsay, Paris
La Compagnie des chemins de fer d'Orléans avait acquis les terrains où se dressaient les ruines de l'ancienne Cour des comptes incendiée lors de la Commune de 1871.
Des équipes de 300 ouvriers de jour et 80 de nuit se relaient pour mener à bien la prolongation des voies depuis la gare d'Austerlitz et la construction du bâtiment.
Afin de respecter l'harmonie architecturale imposée par la proximité du Louvre et des Tuileries, la structure métallique de la gare est entièrement dissimulée derrière une enveloppe de pierre calcaire.
Les travaux, commencés au printemps 1898, sont rapidement menés. La gare d'Orsay et son hôtel sont inaugurés le 14 juillet 1900.
Vue générale de la gare d'Orsay en activité (Vers 1905), La gare d'Orsay en activitéMusée d’Orsay, Paris
Pour le peintre Edouard Detaille, la gare est "superbe et a l'air d'un palais des Beaux-Arts". L'ambition de Victor Laloux était d'ailleurs d'offrir des espaces "plus confortable[s] et plus luxueu[x]" que dans une gare traditionnelle.
C'est grâce à la locomotion électrique des trains desservant la gare, et donc à l'absence d'émanation de vapeur et de fumée, que l'architecte a pu imaginer une verrière entièrement fermée pour accueillir les voyageurs et s'accorder plus de liberté dans la décoration.
Intérieur de la gare d'Orsay (Vers 1900), Intérieur de la gare vers 1900Musée d’Orsay, Paris
Il s'agit de la première gare moderne conçue pour la traction électrique. En raison de leur forme, les motrices électriques étaient surnommées les "boîtes à sel".
Les usagers de la gare d'Orsay bénéficiaient en outre des toutes dernières innovations techniques : plans-inclinés et monte-charge pour les bagages, ascenseurs…
Trains de banlieue en gare d'Orsay (Vers 1970), Trains de banlieue en gare d'OrsayMusée d’Orsay, Paris
Malgré sa modernité, la gare d'Orsay est rapidement dépassée par l'évolution du chemin de fer. La longueur de ses quais n'est pas adaptée aux nouveaux convois.
Dès 1939, son activité est limitée aux trains de banlieue.
Elle sera néanmoins le témoin d'événements des plus divers : centre d'accueil des prisonniers et des déportés en 1945, lieu choisi par le général de Gaulle pour annoncer son retour en politique en 1958, décor de cinéma pour Orson Wells et Bernardo Bertolucci dans les années 1960…
Mais que faire de cette coquille vide ? Il est envisagé de construire à la place de la gare des bureaux pour la Caisse des dépôts ou encore un centre administratif d'Air France… les idées se bousculent pour débarrasser le paysage de cette architecture indésirable.
Projet Guillaume Gillet et René Coulon pour la construction d'un hôtel à l'emplacement de la gare (1961), Projet Guillaume Gillet et René CoulonMusée d’Orsay, Paris
L'idée d'un hôtel international l'emporte finalement, en raison du prestige de l'emplacement. Le modernisme triomphant des Trente Glorieuses semble s'imposer : le mot d'ordre est alors de construire plutôt que de reconstruire.
Mais alors que l'autorisation de démolir a été délivrée, un coup de théâtre intervient : en 1971, le ministère de l'équipement et du logement refuse le permis de construire, déclarant que le projet s'intègre mal dans le site "par sa masse et sa hauteur".
Le président de la république Valery Giscard d'Estaing devant la maquette de l'un des projet pour le futur musée d'Orsay (Vers 1978), Le président de la république Valery Giscard d'Estaing devant la maquette de l'un des projet pour le futur musée d'OrsayMusée d’Orsay, Paris
Entre mai 1968 et le premier choc pétrolier, les sensibilités et les politiques architecturales avaient évolué. Les débats soulevés par la destruction des Halles et l'accueil mitigé réservé à la nouvelle gare Montparnasse rendent tout projet plus délicat. La gare et son hôtel, fermé en 1973, demeurent en place.
La transformation en musée est imaginée dès le début des années 1970. Le bâtiment est inscrit en urgence à l'inventaire supplémentaire des Monuments Historiques en 1973 et définitivement classé en 1978, l'année même où est organisé le concours d'architecture.
Chapiteau de la compagnie théâtrale Renaud-Barrault installé sous la verrière de la gare d'Orsay entre 1974 et 1980 (1979), Sous la verrière de la gare d'Orsay entre 1974 et 1980Musée d’Orsay, Paris
Sauvée, la gare connaît dans les années 1970 ses premières reconversions culturelles. Elle accueille provisoirement l'hôtel des ventes Drouot-Rive Gauche...
… ainsi que le chapiteau de la compagnie théâtrale Renaud/Barrault.
Projet A.C.T. Architecture (Renaud Bardon, Pierre Colboc, Jean-Paul Philippon). Coupe perspective générale (Octobre 1979), Projet A.C.T. ArchitectureMusée d’Orsay, Paris
A l'issue du concours, la transformation en musée est confiée à trois jeunes architectes du cabinet A.C.T. Architecture : Pierre Colboc, Renaud Bardon et Jean-Paul Philippon.
Aménagement intérieur du musée d'Orsay, coupe transversale (1982), Aménagement intérieur du musée d'Orsay, coupe transversaleMusée d’Orsay, Paris
Une seconde consultation lancée en 1980, désigne la célèbre décoratrice italienne Gae Aulenti pour l'aménagement intérieur. C'est elle qui imagine les deux tours qui ferment l'allée centrale, une architecture forte, capable de s'imposer dans l'immense volume de la nef.
La nef du musée d'Orsay en chantier (Vers 1984), La nef du musée d'Orsay en chantierMusée d’Orsay, Paris
Le projet est précurseur, c'est la première fois qu'une architecture industrielle est réhabilitée pour accueillir un grand musée. On redonne au décor son éclat d'antan, en l'adaptant aux nouvelles exigences, comme les rosaces de la voûte refaites à l'identique mais munies de dispositifs pour éviter la réverbération sonore et de bouches soufflant l'air conditionné.
Les travaux dureront plusieurs années avant que le musée d'Orsay soit inauguré le 1er décembre 1986 par le président de la République François Mitterrand. Son directeur est alors Françoise Cachin.
Le parcours du musée se déploie sur trois niveaux principaux, par grandes séquences thématiques et par techniques. La peinture impressionniste est ainsi regroupée dans une galerie qui s'étire au 5e étage sur toute la longueur du bâtiment côté Seine.
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L'une des originalités du musée est de rassembler l'ensemble des expressions artistiques d'une période très courte, 1848-1914, mais extrêmement féconde. Peinture, sculpture, architecture, arts décoratifs, photographie se côtoient dans les salles. L'accrochage permet aussi de redécouvrir des artistes longtemps déconsidérés, comme les peintres "pompiers".
Entre 2009 et 2011, à l'initiative de Guy Cogeval président de l'établissement public depuis 2008, le musée d'Orsay entreprend la rénovation muséographique de ses salles impressionnistes et post-impressionnistes, ainsi que des quatre étages du "Pavillon Amont", dédié aux arts décoratifs.
Musée d'Orsay, première salle de la galerie impressionniste (2013), Début de la galerie impressionnisteMusée d’Orsay, Paris
La couleur fait son apparition sur les cimaises, un nouvel éclairage est installé.
Ces aménagements permettent de mettre en valeur toutes les subtilités chromatiques des tableaux.
Le parcours de visite est à cette occasion revu. Toute la section post-impressionniste, allant de Van Gogh et Gauguin aux Nabis est ainsi rassemblée au niveau médian dans des salles réaménagées.
En 2013, ce sont les salles latérales du rez-de-chaussée qui sont rénovées, et baptisées salles "Luxembourg". Cet intitulé fait référence à l'ancien musée du Luxembourg, à l'origine des collections du musée d'Orsay.
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Chaque année, plusieurs millions de visiteurs franchissent les portes du musée d'Orsay. S'offre à eux le magnifique décor de cette ancienne gare qui faillit être détruite, prélude à un exaltant voyage dans l'une des périodes les plus fertiles de l'histoire de l'art.
Directeur de la publication—Guy Cogeval, président de l'établissement public des musées d'Orsay et de l'Orangerie